Women Building Peace : Pétronille Vaweka, négociatrice de paix en RDC, primée

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Pétronille Vaweka, une militante pour la paix en République Démocratique du Congo, remporte le prix américain Women Building Peace. Engagée depuis une vingtaine d’année, cette ancienne journaliste a fondé l’ONG “Fondation pour la paix durable”. Agée de 75 ans aujourd’hui, Pétronille Vaweka était déjà engagée pour un cessez-le-feu en 1999 quand un conflit éclate entre Hema et Lendu, deux communautés antagonistes de la riche province aurifère frontalière de l’Ouganda.

“Les gens ont oublié qu’ils étaient assis sur un volcan”

Près de vingt ans après, cette mère de six enfants se souvient de ses échanges musclés avec les miliciens. Des menaces et des horreurs on eu lieu dans sa province natale de l’Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Elle s’y était donné la mission d'”arrêter la guerre”. La paix était revenue, puis le conflit a ressurgi en 2017 et perdure.

Née le 18 novembre 1948 à Bunia, chef-lieu de l’Ituri, Pétronille Vaweka, aujourd’hui âgée  75 ans regrette qu'”il n’y a pas eu de suivi adéquat. Les gens ont oublié qu’ils étaient assis sur un volcan.” Il était question de “négocier avec les chefs de milices pour garantir un accès sécurisé aux humanitaires qui venaient en aide aux déplacés, dans un contexte d’hostilité intense et de suspicion”, explique Pétronille Vaweka, rencontrée dans la maison d’une de ses filles à Kinshasa.

Menacée de recevoir “une balle dans la tête”

La guerre a atteint Bunia après des mois d’affrontements. “C’étaient des horreurs”, se souvient-elle.”Des femmes étaient violées”, des gens décapités, des miliciens “se promenaient avec leurs têtes dans la ville”. Elle dit avoir caché indifféremment chez elle des Hema et des Lendu. “C’était un grand risque, mais j’ai expliqué à mes enfants qu’on n’allait pas laisser les gens se faire tuer”.

En 2003, elle est élue présidente de l’Assemblée intérimaire spéciale de l’Ituri, une institution “atypique”, où “ceux qui s’entretuaient devaient parler de la paix et trouver des solutions”. La présidente était là “pour diriger les débats, calmer les émotions”, soupire-t-elle.

Trois jours après son élection, Pétronille Vaweka est prise en otage et menacée de recevoir “une balle dans la tête” par des militaires ougandais qui occupaient l’Ituri, en complicité avec les milices locales.

“Ma mission était d’arrêter la guerre”

Un militaire ougandais lui a dit, “Depuis quand une femme doit avoir une si grande responsabilité ? Tu dois déclarer maintenant que tu n’es plus présidente !”. En juin de la même année, Pétronille Vaweka est nommée députée nationale de la transition puis, en avril 2004, “commissaire de district” de l’Ituri, poste correspondant aujourd’hui à gouverneur de province.

À ce niveau de responsabilité, “ma mission était d’arrêter la guerre, de sensibiliser les différentes communautés à la cohabitation pacifique et de réconcilier l’Ituri avec le gouvernement central”, résume Pétronille Vaweka. “C’est vrai, les groupes armés sont des assassins, mais à chaque fois qu’ils m’ont donné une parole, ils l’ont tenue”, souligne-t-elle.

Après quatre ans de conflit et l’intervention d’une force militaire européenne, la paix a été restaurée et l’autorité de l’État rétablie. “Ce n’était pas facile mais nous y sommes parvenus”, dit-elle. La militante rappelle aussi que des chefs de guerre avaient été traduits devant la Cour pénale internationale (CPI).

Le prix Women Building Peace : un “cadeau” pour la RDC

“Je suis de la société civile, et comme telle, je garde ma liberté”, assure-t-elle avec un brin de méfiance envers les politiques qui, à ses yeux, “sont changeants, comme les groupes armés”. Depuis 2008, Pétronille Vaweka est installée à Kinshasa, où elle cultive ses champs et dirige le Centre des femmes engagées pour la paix en Afrique (Fepa), qui a des bureaux dans plusieurs villes de l’Est.

Bunia, Goma, Kigali ou Nairobi, Pétronille Vaweka continue aussi à sillonner les Grands Lacs et de rencontrer des membres des groupes qui ont repris les armes depuis six ans, au prix, encore une fois, de milliers de morts et de déplacés.

En tant que lauréate pour le Women Building Peace, elle déclare que “un cadeau pour la RDC, pour les femmes, pour les filles et aussi pour les hommes, ces gens de la base qui se battent et veulent changer quelque chose dans ce pays”.

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