La militante iranienne Narges Mohammadi est récompensée par le Prix Nobel de la Paix. Actuellement en prison à Téhéran, elle est détenue pour propagande contre le système politique et rébellion. En tant que vice-présidente du Defenders of Human Rights Center, dirigé par une autre lauréate du Prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, elle a consacré sa vie à la lutte pour la justice, les droits des femmes et l’abolition de la peine de mort. Son engagement indéfectible lui a valu des détentions répétées et des peines de prison, faisant d’elle une prisonnière d’opinion reconnue internationalement. Cette année le prestigieux Prix Nobel de la paix lui est attribué pour son activisme inébranlable. Retour sur le parcours d’une militante d’exception.
Education, médias et engagements en faveur des droits humains
Narges Mohammadi a vu le jour dans la ville de Zanjan et a poursuivi ses études à l’Université internationale Imam Khomeini, obtenant un diplôme en physique. La carrière universitaire de cette ingénieure a été marquée par son engagement en faveur des droits des femmes, une position qui l’a conduite à être arrêtée pendant ses années d’études. Ses activités politiques ont également entraîné son exclusion d’un groupe d’alpinisme, soulignant les premières luttes auxquelles elle a été confrontée en raison de ses convictions.
Après avoir travaillé comme journaliste pour plusieurs journaux réformistes, Narges Mohammadi a publié un livre d’essais politiques intitulé “Les réformes, la stratégie et la tactique”. En 2003, elle rejoint le Defenders of Human Rights Center, dirigé par Shirin Ebadi, devenant plus tard sa vice-présidente. Son mariage avec le journaliste pro-réforme Taghi Rahmani a également contribué à façonner son parcours et son engagement en faveur des droits humains.
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Militantisme politique et détentions
Dès 1998, Narges Mohammadi a été arrêtée à plusieurs reprises en raison de ses critiques envers le gouvernement iranien. Les autorités ont intensifié leur répression en 2010 lorsqu’elle a été condamnée à 11 ans de prison pour son appartenance au Defenders of Human Rights Center. Malgré des condamnations internationales, sa peine a été réduite à six ans en appel, mais elle a été arrêtée à nouveau en 2012. Amnesty International a vigoureusement protesté contre sa détention, qualifiant Narges Mohammadi de prisonnière d’opinion.
En dépit des pressions internationales, Narges Mohammadi a été libérée en juillet 2012. En 2015, elle a été de nouveau arrêtée, cette fois sur de nouvelles accusations. En 2016, un tribunal révolutionnaire de Téhéran l’a condamnée à 16 ans de prison pour avoir dirigé le mouvement Legam, qui plaide pour l’abolition de la peine de mort.
Sa libération en octobre 2020 a été de courte durée, car elle a été à nouveau arrêtée quelques mois plus tard, cumulant une peine totale de 10 ans et 9 mois. Actuellement emprisonné, et condamné à 80 coups de fouet, Narges Mohammadi, n’a pas vu ses enfants depuis 8 ans et écrit : “le prix de la lutte n’est pas seulement la torture et l’emprisonnement, c’est un cœur qui se déchire à chaque privation, une souffrance qui pénètre jusqu’à la moelle de tes os.”
A propos du mouvement ” femme, vie, liberté” qui a suivi la mort de la jeune Mahsa Amini, elle déclare depuis sa prison: “le gouvernement de la République islamique n’a pas réussi à étouffer les protestations du peuple iranien, et la société a accompli (des choses) qui ont ébranlé et affaibli les fondements du gouvernement religieux despotique.”
“Le mouvement a accéléré le processus de démocratie, de liberté et d’égalité”, désormais “irréversible” explique-t-elle, malgré une répression impitoyable (des centaines de morts selon des ONG, et des milliers d’arrestations depuis un an).
Prix Nobel de la paix 2023 et distinctions
Narges Mohammadi est honorée du Prix Nobel de la paix en 2023 :” pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humaines et la liberté de tous” a expliqué la Présidente du Comité NobelBerit Reiss-Andersen, reconnaissant son courage et son engagement indéfectible envers les droits humains. Tout au long de sa carrière, elle a également reçu plusieurs distinctions, dont le Prix Andrei Sakharov 2018 de la Société américaine de physique et le Prix Olof-Palme pour les droits de l’homme en janvier 2023.
Contrainte régulièrement à l’isolement ou privée d’appels téléphoniques, l’Iranienne fait l’objet “d’un acharnement judiciaire et policier pour la faire taire”, avait affirmé l’organisation Reporters sans Frontières. Aujourd’hui, Narges Mohammadi incarne la résilience et la détermination face à l’oppression. Son parcours tumultueux, jalonné de détentions, illustre son engagement en faveur des droits des femmes en Iran. Le Prix Nobel de la paix 2023 est une reconnaissance de sa lutte incessante pour la justice et la liberté.
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