1965-2025 : 60 ans après, les femmes ont-elles conquis leur indépendance bancaire ?

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Le 13 juillet 1965, une loi fondatrice permettait aux femmes mariées d’ouvrir un compte en banque et de travailler sans l’accord de leur mari. Un demi-siècle plus tard, l’égalité économique est-elle vraiment au rendez-vous ?

Une révolution discrète mais décisive

Il y a 60 ans, la France adoptait une réforme majeure pour les droits des femmes. Avec la loi du 13 juillet 1965, les femmes mariées obtenaient enfin la capacité juridique pleine et entière : elles pouvaient ouvrir un compte bancaire, signer un contrat de travail, gérer leurs biens propres… sans l’autorisation de leur époux. Une avancée qui marque un tournant dans l’émancipation économique des Françaises.

Avant 1965, une dépendance inscrite dans la loi

Jusqu’au milieu des années 1960, le Code civil de 1804 plaçait les femmes mariées sous la tutelle de leur mari. Vincent Egéa, professeur de droit civil à Aix-Marseille Université, explique : « Les femmes mariées étaient encore sous une forme de tutelle, notamment pour les questions patrimoniales. »

Concrètement, une femme ne pouvait ni gérer ses biens, ni décider de travailler sans l’autorisation écrite de son mari. Pourtant, environ 40 % des femmes travaillaient déjà dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. « La majeure partie des femmes recevaient une somme de leur mari pour gérer le foyer », rappelle l’historienne Michelle Perrot.

De nouveaux droits… mais encore limités

Si la loi de 1965 constitue une avancée juridique, elle ne consacre pas encore une égalité parfaite. « Le mari gérait encore seul les biens communs du couple et restait le chef de famille », souligne l’historienne Sylvie Chaperon.

Des étapes supplémentaires seront franchies dans les décennies suivantes :

  • 1970 : suppression officielle de la notion de « chef de famille ».
  • 1986 : instauration de la cogestion des biens du couple grâce à la transposition d’une directive européenne.
  • 2021 : loi Rixain imposant que le salaire soit versé sur un compte dont la salariée est titulaire ou co-titulaire, pour lutter contre les violences économiques.

Une égalité encore inachevée

En 2024, le taux d’activité des femmes atteint 71,5 % contre 77,5 % pour les hommes (Insee). Mais les inégalités salariales persistent : l’écart moyen dans le secteur privé est de 22,2 % en 2023. Ces écarts entraînent des effets en cascade : arrêt du travail après la naissance d’un enfant, précarisation, dépendance financière accrue.

Autre frein pointé : la conjugalisation des aides sociales, qui prive certaines femmes d’allocations en fonction des revenus de leur conjoint. « De nombreux mécanismes les maintiennent en situation de dépendance », déplore Floriane Volt, directrice des affaires publiques à la Fondation des Femmes.

Un accès à la finance encore inégal

Malgré les progrès législatifs, les femmes restent moins bien servies par le secteur bancaire. À l’Assemblée nationale, la ministre Aurore Bergé a rappelé récemment que « les projets portés par des femmes sont moins financés que ceux des hommes ».

Les données de Bpifrance et La France Mutualiste confirment cette tendance : les femmes détiennent moins de contrats d’assurance-vie et d’actions cotées. Historiquement, elles n’avaient pas même accès à la Bourse de Paris avant 1967.

Des plafonds de verre dans les banques

Le paradoxe est frappant : les femmes représentent 57 % des effectifs dans le secteur bancaire (source : FBF), mais aucune grande banque française n’a jamais été dirigée par une femme. À la dernière assemblée générale du Crédit Agricole, aucune femme ne figurait parmi les candidats à la direction.

« L’argent est un rapport de force », rappelle l’historienne Sabine Effosse. « Il y en a forcément un qui perd un peu de son pouvoir dans une phase de rééquilibrage. »

1965-2025 : une histoire en chantier

L’émancipation financière des femmes, entamée en 1965 avec la possibilité d’ouvrir un compte bancaire, reste une conquête inachevée. Aujourd’hui, les inégalités se jouent moins sur le droit que sur l’accès au financement, à l’investissement, à la direction économique. « La bataille se joue désormais sur les investissements, sur l’accès au crédit et sur les postes de pouvoir », conclut Sabine Effosse.

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