Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet dénonce la sous-représentation des femmes dans l’espace public et au sein de la vie politique. Au micro de Cynthia Illouz, fondatrice du média The Women’s Voices, elle partage comment elle parvient à concilier vie politique et vie personnelle. Première femme à occuper ce poste clé de la République, Yaël Braun-Pivet a dû se frayer un chemin dans un univers dont elle ne maîtrisait pas les codes. Rencontre.
Vous avez vécu des moments historiques, notamment la constitutionnalisation de l’IVG. À ce moment-là, le Congrès est rassemblé et vous incarnez très fortement la fonction. Comment avez-vous vécu ce moment ?
C’est un moment incroyable, parce qu’on ressent vraiment quelque chose de fort : on se dit, avec cet acte, nous allons protéger. Protéger nos filles, protéger une liberté, protéger durablement, dans notre pays, le droit à l’interruption volontaire de grossesse.
Et dans un contexte politique difficile, où nous n’avons pas de majorité, nous parvenons malgré tout à nous réunir pour défendre les droits des femmes. Sur le fond, c’est quelque chose d’immense, d’assez unique. Nous avons été les premiers au monde à le faire. Ce n’est pas rien, parce que les femmes du monde entier nous disent : « On a besoin de la France comme guide, comme patrie des droits de l’homme, qui continue d’être à l’avant-garde, à l’avant-poste, et qui joue ce rôle d’exemplarité et d’entraînement. » C’est important de continuer à incarner cela. C’est vraiment un combat politique.
Comment ça s’est manifesté pour vous, ce sexisme en politique ? Comment l’avez-vous vécu ?
Dès le départ, en 2017, lorsque je suis entrée en politique et que je me suis présentée aux législatives dans la circonscription de l’Essonne, mon adversaire m’a opposé le fait que je n’avais jamais fait de politique. Ce qui était son droit, et d’ailleurs c’était vrai.
Mais il est allé plus loin : selon lui, je n’étais pas capable d’en faire, parce que je n’avais pas d’expérience. Et la preuve, disait-il, c’était que je ne travaillais pas — j’élevais mes enfants.
Je suis avocate. Et j’étais aussi engagée aux Restos du Cœur. J’avais un centre d’accueil avec 800 bénévoles, où l’on accueillait 400 familles par semaine. Ce n’était donc pas une mince affaire. Mais malgré cela, j’étais disqualifiée d’office, parce que je ne correspondais pas au schéma traditionnel.
Parce que, bien souvent, en politique, il fallait correspondre à un certain profil — qu’on soit un homme ou une femme, finalement. Ce que je crois fondamental, c’est de pouvoir dire : je fais de la politique en étant une femme, en étant une mère de famille, une mère de famille nombreuse. Et loin d’être un défaut, loin d’être un inconvénient, c’est un atout. Parce que la jeunesse, je ne la regarde pas à la télé. La jeunesse, je l’ai tous les jours à ma table, avec mes adolescents, mes jeunes adultes. Elle est présente, elle est là, dans mon quotidien. Et je crois que c’est cette connexion-là qui est essentielle.
Est-ce que vous diriez qu’il y a un leadership féminin ?
Au début, je me disais : « Il n’y a pas de leadership féminin, on fait pareil, n’en faisons pas tout un plat. » Je suis devenue présidente de l’Assemblée nationale, je suis une femme — finalement, et alors ?
Et puis ce sont des collègues qui, à la suite de certaines décisions que j’ai prises, m’ont écrit. L’un d’eux m’a dit : « Il aura fallu attendre qu’une femme préside l’Assemblée pour que telle décision soit prise. »
Encore récemment, une collègue m’a écrit après que j’ai décidé, pour la première fois dans l’histoire de l’Assemblée, d’afficher les photos des otages français retenus en Iran sur les grilles du Palais Bourbon. Cela ne s’était jamais fait.
J’ai le sentiment qu’effectivement, il y a un leadership au féminin qui est différent. Peut-être que cela tient aussi à ma personnalité. Mais peut-être que cette volonté de dialogue, cette plus grande écoute, ce rapport à l’ego qu’on met peut-être moins en avant…
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