Neige Sinno, 46 ans, a reçu le prix Femina pour son livre “Triste tigre” aux éditions POL. C’est un récit de l’inceste dont elle a été victime enfant, et un essai sur les violences sexuelles. Neige Sinno, était déjà la favorite de ce prix, et a recueilli au premier tour 9 voix sur 12 du jury exclusivement féminin.
“Le sujet que traite mon livre, ce n’est pas un sujet ni de femme, ni d’homme, ni d’autre”, a-t-elle déclaré après la proclamation du prix, au musée Carnavalet à Paris. “Cela me rappelle ma soutenance de thèse où il n’y avait aussi que des femmes dans les professeurs. C’est une fierté, en plus, d’être encouragée”, a-t-elle ajouté.
Un livre pour dégoupiller une “petite bombe”
Neige a grandi près de Briançon, avec sa mère et sa sœur, Rose, et ses deux demi-frères et sœurs, nés d’une seconde union. “Néo-ruraux”, ils vivent dans la précarité, dans une maison où s’éternisent les travaux. Son beau-père, 24 ans quand il rencontre sa mère, un homme “grand et fort”, la viole de ses sept ans jusqu’à ses quatorze ans.
En 2000, à l’âge de 21 ans, que Neige et sa mère portent plainte et l’homme est condamné, au terme d’un procès, à neuf ans de réclusion. Des années plus tard, Neige Sinno livre un récit déchirant sur ce qui lui est arrivé. Sans pathos, sans plainte. Elle tente de dégoupiller littéralement ce qu’elle appelle sa « petite bombe ». Il ne s’agit pas seulement de l’histoire glaçante que le texte raconte, son histoire, une enfant soumise à des viols systématiques par un adulte qui aurait dû la protéger.
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C’est aujourd’hui que les maux sortent au travers de son ouvrage :« Il disait qu’il m’aimait. Il disait que c’est pour pouvoir exprimer cet amour qu’il me faisait ce qu’il me faisait, il disait que son souhait le plus cher était que je l’aime en retour. Il disait que s’il avait commencé à s’approcher de moi de cette manière, à me toucher, me caresser c’est parce qu’il avait besoin d’un contact plus étroit avec moi, parce que je refusais de me montrer douce, parce que je ne lui disais pas que je l’aimais. Ensuite, il me punissait de mon indifférence à son égard par des actes sexuels. »
Finaliste du prix Goncourt
Le récit de cette autrice vivant au Mexique, jusque-là très peu connue, s’est imposé en cette rentrée littéraire. C’est au terme de plusieurs décennies de réflexion et de recherches, que cette mère de famille de 46 ans raconte les viols répétés que lui a imposés son beau-père dans son enfance, les conséquences sur sa vie et les questions que posent ces crimes pour lesquels le violeur a été condamné.
Neige Sinno relate la logique du violeur et tranche la question du consentement des mineurs avec des experts. Neige Sinno est également finaliste du prix Goncourt.
Le prix Femina du roman étranger a été décerné à l’Américaine Louise Erdrich, 69 ans, pour “La Sentence” aux éditions Albin Michel. C’est l’histoire d’une libraire amérindienne confrontée aux fantômes du passé et au racisme du présent. Présente lors de la remise du prix, l’autrice a rappelé qu’elle tenait, comme l’héroïne du roman, une librairie à Minneapolis, dans le nord des États-Unis, consacrée à la littérature autochtone. “C’est aussi un lieu hanté”, a-t-elle souligné. La romancière américaine a obtenu sept voix sur 12 au premier tour.
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