Quelle représentativité pour les femmes dans le cinéma ?

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Au Festival de Cannes, BNP Paribas organisait une discussion sur la représentation des femmes dans l’industrie du cinéma. Âgisme, sexisme, racisme et manque de représentations de femmes LGBTQIA+, ou malades, ont été évoqués lors de cette discussion menée par Marie-Aldine Girard.

De nombreux pays luttent contre les violences sexistes et sexuelles sur les lieux de tournage, et adoptent la parité dans les comités de sélection. En France, un “bonus parité” a été créé sous l’impulsion du collectif 50/50. Selon Fabienne Silvestre, cofondatrice et directrice du ThinkTank LeLab, Femmes de cinéma, cette incitation financière semble porter ses fruits. Seulement, la représentativité des femmes dans toute leur diversité n’est pas encore atteinte.

L’indispensable identification

Salima Poumbga, connue sous le pseudonyme Crazy Sally, créatrice de la série documentaire “Motherland” pour décrire l’Afrique et “parler d’autre choses que de la misère et de la famine” au Cameroun, au Sénégal, au Congo ou encore en Côte d’Ivoire, confie qu’elle ne trouve pas de modèle de femme à laquelle elle pourrait s’identifier dans les médias ou dans le cinéma français. Les femmes noires ne sont pas mises en avant au cinéma. “Une femme noire dans un film français c’est très, trop rare. Elles n’ont jamais de rôles principaux”, regrette-t-elle. “Elles incarnent souvent la mama noire africaine qui élève des enfants compliqués à l’école en banlieue.”. Elle souligne l’importance de la représentativité pour la construction des petites filles et demande la création de plus de films cosmopolites.

Salima Poumbga, Crazy Sally, à la table BNP Paribas. ©Thewomensvoices

Les femmes arabes aussi, peinent à se faire une place dans le cinéma Français. Nérimen Hadrami, est la fondatrice de la société de production Toni films. Totalement étrangère au milieu du cinéma, elle a créé sa société de production Hirvi Production en 2015, à seulement 23 ans, pour donner un modele et un exemple de réussite aux prochaines générations de femmes qui lui ressemblent. “J’avais la volonté d’incarner la productrice femme et arabe et musulmane car je me suis rendue comte du manque de diversité dans le cinéma.”. Pendant son adolescence, elle assure elle aussi ne pas avoir trouvé de modèle dans les médias traditionnels. “Je voulais créer ces modèles que moi je n’ai pas eus.”. Bien sur, elle sait que son travail est fortement influencé par le combat contre les clichés qu’elle a subi plus jeune et qu’elle subit toujours.

Tout comme Salima Poumbga, elle déplore que les femmes arabes soient toujours représentées selon des clichés regrettables. “On dépeint soit une femme voilée, soumise a son mari, soit une “beurette” érotisée, hyper sexualisée… elles ne sont jamais profs, entrepreneures…”, regrette-t-elle. Aujourd’hui en cours de production du film adapté du livre “Beurettes: Un fantasme français” pour permettre à toutes les femmes stigmatisées de prendre la parole, elle a choisi de représenter ces beaux personnages elle même. “On arrive et on va raconter d’autres histoires, de belles histoires.”

Active dans la communauté LGBTQIA+, Marie-Clémence Bordet-Nicaise se réjouit de l’amélioration d’une plus grande représentation dans les séries et les films. “Ça existe de plus en plus dans les séries, mais le sujet de fonder une famille via la PMA est 100% invisible”, regrette-t-elle. La plupart des films suivant l’histoire des couples de femmes sont réalisés par un homme qui réalise son fantasme et où le projet de famille n’existe pas.

Marie-Clémence Bordet-Nicaise à la table ronde BNP Paribas. ©Thewomensvoices

Vieillesse et maladie, même combat 

Emilie Daudin, co-fondatrice d’un podcast sur l’empowerment et autrice du livre “dans mon sein” après avoir reçu le diagnostic d’un cancer du sein très agressif, dénonce, elle aussi, le manque de représentativité des femmes malades dans les médias. Les femmes qui ont un métier d’image sont régulièrement cachées, elle ne se montrent pas sans leur perruque ou pendant leur traitement. “Quand j’ai eu l’annonce de mon cancer, j’ai cherché des femmes chauves, ou qui n’ont plus qu’un sein, dans les médias, j’ai pu trouver Samantha Jones dans “Sex and the City”, c’est une femme puissante et indépendante qui perd ses cheveux. Alors qu’un Français sur 4 est concerné par la maladie, Emilie Daudin regrette que la représentativité soit si réduite. ‘”C’était il y a 20 ans et c’est l’un des seuls personnages que j’ai trouvés.” “Une femme qui a un cancer du sein doit rester désirable”, dénonce Emilie Daudin, aujourd’hui en rémission.

Elisa Gallois, 46 ans,“L’âge des femmes est gênant pour tout le monde, c’est un véritable problème, vous êtes longtemps trop jeune et très vite trop vieille”. Après 40 ans, les propositions de passages dans les médias, dans les publicité ou dans les films diminuent drastiquement. Alors que dans la population majeure une femme sur deux a plus de 50 ans, en 2021, 7% des rôles sont donnés aux plus de 50 ans, leur âge est d’ailleurs le sujet du film.

Quelles solutions pour accompagner les femmes au cinéma ? 

Claire-Helene Massot, directrice adjointe du département médias de BNP Paribas, assure que la banque ne vient en aide qu’aux films qui “partagent ses valeurs”. “Le consentement est indispensable“, explique-t-elle par exemple. Son travail lui a permis de remarquer un véritable “plafond de verre sur les montants des budgets des réalisatrices”. Antoine Sire, directeur de l’engagement chez BNP Paribas, membre du comité exécutif de la banque et auteur de “Hollywood, la Cité des femmes”( Actes Sud) rappelle que son institution a signé la charte HeForShe pour l’engagement des hommes dans le combat de l’égalité, et que la mobilisation de tous est nécessaire. “Quand on veut faire du changement, il faut pousser les femmes aux postes de décision, dans la banque, comme dans le cinéma.”, recommande-t-il.

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