Réfléchir à un “devoir de visite” d’un père, dans les cas où la mère s’occupe seule des enfants après une séparation, est une proposition d’Emmanuel Macron. Aurore Bergé, ministre chargée de l’égalité femmes-hommes, estime que le débat “n’est pas un débat réac” mais “nécessaire”.
Des visites du père, obligatoires
Dans une interview au magazine Elle, le président de la République a dit vouloir ouvrir un débat sur l’instauration d’un “devoir d’accompagnement, jusqu’à l’âge adulte, des enfants”, qui permettrait aux mères seules “d’exiger” l’implication et des visites régulières de leurs ex-conjoints.
Il veut que l’on “puisse ouvrir ce débat, qui est au fond à la fois un débat sur la parentalité et un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est celui d’instaurer un devoir de visite, un devoir d’accompagnement jusqu’à l’âge adulte, des enfants”.
Avant d’ajouter que “quand il y a un père, il faut qu’il exerce tous ses devoirs et que la maman, quand elle est dans cette situation-là, puisse exiger des visites régulières” arguant que cela serait “mieux” pour le ou les enfants.
“Devoir de visite = idée dangereuse”
Cette proposition soulève des questionnements chez des associations, inquiètes que ces visites obligatoires n’aillent pas toujours dans l’intérêt des familles, notamment en cas de séparations conflictuelles ou de violences intrafamiliales.
“Devoir de visite = idée dangereuse: un homme violent, abusif, défaillant n’est pas un bon père. Le bon objectif: l’intérêt supérieur de l’enfant. Avec ou sans père”, écrit sur X l’association Osez le féminisme.
Les “devoirs de visites”, dangereux en cas de violences conjugales
En 2022, 244,300 victimes de violences conjugales, en grande majorité des femmes, sont recensées par les forces de l’ordre. Le ministère de l’Intérieur a annoncé une hausse de 15% en un an. De manière globale, les victimes des violences rapportées sont des femmes à 86% et les mis en cause des hommes à 87%.
“Évidemment, la question n’est pas de forcer une relation quand il y a un risque de violence”, assure Aurore Bergé sur Cnews et Europe 1. “Je pense que ce n’est pas un débat réac, (mais) un débat utile, un débat nécessaire” sur “la responsabilité, sur le rôle des parents”, explique-t-elle.
La société s’est trop “accommodée à l’idée que des femmes pouvaient tout assumer toutes seules et que ce n’était pas bien grave” si les pères “se limitaient à une pension alimentaire que, parfois, ils ne payaient pas”, selon la ministre. Le caractère monoparental de ces familles est souvent “subi”, souligne-t-elle.
Les mères, plus souvent rappelées à l’ordre que les pères
Elle cite l’exemple de femmes séparées que l’ex-conjoint “appelle le vendredi soir” pour dire que “ce week-end, finalement, il ne prendra pas les enfants”. Dans ces cas là, “il ne se passe rien, il n’y a pas de rappel de la responsabilité du père” ni de “sanctions”, et “c’est la mère qui doit tout assumer”, regrette la ministre.
A contrario, des mères qui “refusent la présentation d’un enfant parce qu’il y aura un risque de violence, elles, par contre, immédiatement on leur rappelle la loi”, observe-t-elle, dénonçant un “déséquilibre de responsabilité”.
Ce “devoir de visite” pourrait se concrétiser de différentes manières, a-t-elle dit, comme des “sanctions pour les pères qui devaient déjà assumer leur droit de visite et ne l’assument pas”.
Les associations doutent de la mesure
Après cette annonce, de nombreuses associations s’interrogent aussi sur la mise en place de ce type de mesure. Patricia Augustin, secrétaire générale de la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM), attend davantage d’informations. “Allons au-delà de l’effet d’annonce et voyons ce que cette mesure peut donner” relève-t-elle.
“Cela peut être une bonne chose, mais il faut une réflexion plus approfondie sur le sujet”. La question des ex-conjoints instables ou violents se pose aussi de son côté. “On ne sait pas quel problème peut traverser un individu, ce qui est sûr c’est que l’on ne peut pas forcer une personne à avoir de l’intérêt pour son enfant s’il n’en a pas” ajoute la secrétaire générale de la FSFM.
Donner davantage de moyens aux associations
Parfois au contraire, assure-t-elle, les pères sont volontaires pour recevoir leurs enfants, mais n’en ont tout simplement pas les moyens, surtout lorsqu’il y en a plusieurs. “Il existe la solution des espaces dédiés aux familles, mais ces lieux sont encore trop peu nombreux en France” expose encore Patricia Augustin.
“Ces lieux pourraient être davantage développés par les associations, en leur en donnant les moyens. Ils permettraient d’assurer les rencontres entre parents et enfants de manière sécurisée et répondre à ce besoin” argumente-t-elle.
En France, une famille sur quatre est monoparentale, soient deux millions de familles et 3,1 millions d’enfants mineurs. Et que dans la grande majorité des cas, 82 % des cas, ce sont des femmes seules qui élèvent leur enfants.
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