En 2022, 244,300 victimes de violences conjugales, en grande majorité des femmes, sont recensées par les forces de l’ordre. Le ministère de l’Intérieur a annoncé une hausse de 15% en un an, interprétée par les associations comme le signe d’une meilleure prise en compte de leur parole.
Cette augmentation annuelle de 15% est “proche du taux d’évolution annuel moyen constaté depuis 2019”, a observé dans un communiqué le Service statistique de la sécurité intérieure (SSMSI). De manière globale, les victimes des violences rapportées sont des femmes à 86% et les mis en cause des hommes à 87%.
Une parole libérée
“Dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration des conditions d’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie”, le nombre de victimes faisant état de violences de la part de leur partenaire ou ex-partenaire a “doublé depuis 2016”, observe ce service.
Pour le ministère comme pour les associations de défense des droits des femmes, ces chiffres montrent que les victimes hésitent moins à signaler les violences, plutôt qu’une aggravation du phénomène. “Les femmes continuent d’être toujours plus nombreuses à se signaler et c’est une bonne chose”, s’est ainsi félicitée dans un communiqué la Fondation des femmes. “Les femmes ont fait leur part du travail en allant plus porter plainte, et ça continue, mais il faut être bien plus efficace dans l’accompagnement et la protection” des victimes, a commenté auprès de l’AFP la présidence de cette fondation, Anne-Cécile Mailfert.
Des associations à bout de souffle
“Or, on voit sur le terrain des associations à bout de souffle, tellement submergées de demandes que certaines sont en faillite” : elles ne parviennent plus à proposer aux victimes un accompagnement et un hébergement et attendent désespérément le soutien financier de l’État ou des collectivités locales, a-t-elle insisté.
Comme dans l’Essonne, où l’association Léa Solidarité Femmes ne peut plus accueillir correctement : « La parole des femmes s’est libérée, c’est une bonne chose. Mais avons-nous anticipé la possibilité pour les associations spécialisées de prendre en charge les victimes ?» pointe Patricia Rouff, la fondatrice et directrice de l’association à Libération.
Françoise Brié, la présidente de la Fédération nationale Solidarités Femmes (FNSF, qui gère la ligne d’écoute 3919), estime également que la “question qui se pose derrière (ces chiffres), ce sont les suites judiciaires à ces dépôts de plainte”. “On espère que les pôles spécialisés vont être renforcés pour assurer une réponse à tous ces signalements.”
30% des violences signalées sont sans “traces visibles”
Pour Ernestine Ronai, présidente de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, “+15% c’est une bonne nouvelle, on s’améliore !”. “Les femmes, quand elles révèlent des violences, sont d’avantage crues et mieux reçues”, a-t-elle résumé. Dans ses statistiques publiées jeudi, le SSMSI précise qu’environ 30% des violences signalées auprès des forces de l’ordre sont d’ordre verbal ou psychologique, ce qui comprend le harcèlement moral, les menaces, les atteintes à la vie privée ou les injures et diffamations, et environ 5% d’ordre sexuel, dont les viols conjugaux.
Mais les deux tiers des signalements relèvent de la violence physique, celle qui laisse “des bleus, des lésions ou des fractures”, a commenté Ernestine Ronai : “cela montre qu’aujourd’hui encore, les femmes pensent qu’on les croira d’avantage si elles subissent de telles violences, avec des traces visibles, alors que ce ne sont pourtant pas les plus fréquentes”, a-t-elle déploré.
5% des violences sexuelles rapportées “très en dessous de la réalité”
À l’inverse, “5% de violences sexuelles” signalées, “c’est très en-dessous de la réalité : ce type de violence est peu révélé et peu questionné par les forces de l’ordre”, a-t-elle ajouté. Les violences physiques criminelles (homicides, tortures ou actes de barbarie) “restent très rares” avec moins de 1% des cas rapportés, note le ministère. En 2022, 145 homicides conjugaux ont ainsi été recensés en France, dont 118 féminicides, quatre de moins qu’en 2021, selon un bilan rendu public début septembre.
Selon le ministère, les statistiques publiées jeudi ne doivent en tout cas pas être considérées comme représentatives du phénomène des violences conjugales dans son ensemble. Certains faits peuvent notamment “n’être jamais signalés ou l’être plus tardivement”.
Selon une “enquête de victimisation”, menée auprès d’un large panel représentatif de la population, environ 0,6% des 18-74 ans (0,9% des femmes et 0,2% des hommes) déclarent avoir été victimes en 2020 de violences physiques, sexuelles ou psychologiques de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Mais un quart seulement de ces victimes disent avoir rapporté les faits à la police ou à la gendarmerie.
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