Soumission chimique : un rapport parlementaire pour protéger les victimes

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La rédaction

Cinq mois après le procès emblématique des viols de Mazan, un rapport parlementaire, rapporté par la députée Sandrine Josso et la sénatrice Véronique Guillotin, remis au gouvernement ce lundi tire la sonnette d’alarme : face à la montée des cas de soumission chimique, il est urgent de renforcer la prévention, d’améliorer la prise en charge des victimes et de doter les services publics des moyens nécessaires.

Le procès de Mazan : un électrochoc sociétal et judiciaire

Le procès de Mazan, qui s’est soldé par la condamnation de Dominique Pelicot pour avoir drogué et livré sa femme à des dizaines d’inconnus, a marqué un tournant. Devenu un symbole de la soumission chimique, ce procès a mis en lumière l’ampleur d’un phénomène longtemps relégué aux marges festives de la société.

David Pelicot, fils de Gisèle Pelicot décrit le rapport parlementaire comme « une avancée importante dans la prise de conscience collective et dans l’élaboration des politiques robustes et adaptées. »

« Ensemble, nous devons avancer vers une législation plus protectrice, une meilleure éducation à ses enjeux et une aide plus forte aux victimes dans notre pays, »insiste-t-il.

« La société toute entière nous regarde : on ne peut plus fermer les yeux ni se boucher les oreilles, on ne peut plus se permettre d’avoir une politique low-cost par rapport aux victimes », déclare la députée Sandrine Josso, rapporteure de la mission parlementaire lancée en avril 2024, elle-même droguée à son insu par le sénateur Joël Guerriau, aux côtés de la sénatrice Véronique Guillotin.

Aurore Bergé, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes déclare : « La réalité, c’est que la soumission chimique est souvent le fait d’une connaissance, d’un proche, d’un mari, d’un collègue, d’un élu de la République. Neuf viols sur 10 sont commis par une personne connue de la victime.”

Un rapport parlementaire de 50 recommandations pour protéger les victimes

Le rapport, remis au gouvernement ce lundi, formule une cinquantaine de recommandations, dont quinze à mettre en œuvre « en priorité » dès cette année. Ces mesures couvrent l’ensemble des champs concernés : prévention, accompagnement, traitement judiciaire et recherche.

Véronique Guillotin, sénatrice

Parmi les propositions phares : une campagne de sensibilisation annuelle à destination de toute la population, et le renforcement de l’éducation à la vie affective et sexuelle (Evars) dans les établissements scolaires.

Face à des parcours « peu lisibles » pour les victimes, les parlementaires appellent à l’élaboration d’un référentiel par la Haute Autorité de santé (HAS) « pour améliorer à la fois le dépistage, l’orientation et l’accompagnement des victimes de soumission et de vulnérabilité chimiques, » explique Véronique Guillotin.

« Celui-ci intègrera notamment une fiche réflexe et une identification des différents lieux où réaliser des prélèvements biologiques dans les heures qui suivent au regard du maillage territorial », précise le rapport.

Sandrine Josso, députée Loire-Atlantique

Autre mesure clé : la généralisation de l’expérimentation du remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte. Le rapport recommande aussi l’élargissement de la levée du secret médical aux cas de soumission et de vulnérabilité chimiques.

Des outils adaptés : des kits de prélèvements biologiques…

La mission insiste également sur la mise en place de kits de prélèvements biologiques, et non de simples dispositifs de détection, « qui ne présentent aucune garantie pour leurs usagers ».

Sandrine Josso, députée (MoDem) et la ministre chargée de l’Egalité, Aurore Bergé

« On ne peut se contenter de communiquer sans tenir compte du fait que cela va engendrer plus de demandes pour recueillir des preuves, déposer plainte, et c’est tant mieux », souligne la ministre chargée de l’Égalité femmes-hommes, Aurore Bergé, dans une interview à Libération. « Il va falloir déployer les moyens adaptés comme on le fait depuis 2017. Notre enjeu est qu’il n’y ait aucune perte de chance, territoriale ou sociale. »

Des chiffres en deçà de la réalité

Selon le centre de référence des agressions facilitées par les substances (CRAFS), 1.229 cas de soumission ou vulnérabilité chimiques vraisemblables ont été recensés en 2022. En 2023, « 127 personnes ont été mises en cause au titre de la seule soumission chimique : parmi les 65 procédures poursuivables, 62 l’ont été effectivement, donnant lieu à des peines de réclusion ferme d’une durée moyenne de 8,9 années », détaille le rapport.

Mais les autrices insistent : ces chiffres ne sont qu’une « estimation infinitésimale des situations ».

« Notre message est clair : si on veut endiguer ce phénomène, il faut mettre en place une véritable politique d’État avec les moyens qui vont avec », insiste Sandrine Josso.

Pour en savoir plus sur la soumission chimique, retrouvez le livre « Procès de Mazan : la déflagration » de Cynthia Illouz.

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