Sadia Bromand : combattre sur le ring et pour la liberté

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Mathéa Mierdl

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À la fois athlète et militante, Sadia Bromand incarne la résistance des femmes afghanes face à l’oppression. Exilée à Berlin depuis 2019, elle poursuit sa carrière de boxeuse tout en dénonçant la répression que subissent les femmes dans son pays natal. Entre combats sur le ring et luttes pour la liberté, son parcours illustre la force et la détermination de celles qui refusent de se taire.

Symbole de liberté dans un pays qui enferme 

Sadia Bromand grandit en Afghanistan, un pays où les femmes doivent affronter de nombreux obstacles pour vivre librement. Elle se passionne pour le sport. Elle va à l’école à vélo, joue dehors et pratique différentes activités sportives après les cours. Son rêve est clair : devenir une grande athlète et représenter son pays à l’international. Dans une société très conservatrice, ce simple désir représente déjà un acte de résistance. Son père, d’abord ouvert à sa passion, l’encourage à faire du sport à l’école. Mais lorsqu’elle est sélectionnée pour l’équipe nationale et invitée à participer à des compétitions à l’étranger, les choses se compliquent. Elle est encore mineure et son père refuse dans un premier temps de la laisser partir. Sadia ne renonce pas. Elle dialogue, argumente, et parvient à le convaincre. Cet épisode marque le début d’un long combat pour exercer sa liberté en tant que femme et en tant qu’athlète.

Une fois lancée, Sadia Bromand devient bien plus qu’une sportive. Elle se transforme en symbole pour de nombreuses jeunes femmes afghanes. À travers ses interviews et ses prises de parole, elle dénonce les injustices et remet en question les normes sociales imposées aux femmes. Elle n’hésite pas à défier l’ordre établi, en particulier les restrictions des talibans. Cependant, cette notoriété inquiète sa famille. Les talibans, bien qu’évincés du pouvoir après 2001, conservent une forte influence dans le pays. Ils interdisent aux femmes de pratiquer des sports et de participer à la vie publique. Sadia reçoit des mises en garde : sa parole pourrait lui coûter cher. Sa famille la supplie de rester discrète. Mais elle persiste. Elle sait que se taire reviendrait à abandonner toutes celles qui n’ont pas sa voix. Elle comprend alors que son combat dépasse la boxe : c’est une lutte pour les droits humains.

De l’exile au ring 

En 2019, Sadia Bromand prend une décision difficile : elle quitte l’Afghanistan pour rejoindre l’Europe. Elle s’installe à Berlin, où elle poursuit sa carrière sportive, désormais seule. Il n’y a plus d’équipe nationale, plus d’entraîneur pour la soutenir. Lorsqu’elle monte sur le ring, elle le fait en solitaire, mais toujours au nom de l’Afghanistan. À travers ses combats, elle veut rappeler au monde que les femmes de son pays existent, résistent et méritent d’être soutenues. En Allemagne, elle s’entraîne dur. Son engagement et sa discipline portent leurs fruits : elle remporte la médaille d’argent au tournoi Olympic Dreamer à Sarajevo. Peu après, elle devient la seule représentante afghane au championnat du monde féminin de l’IBA, à New Delhi. Son parcours inspire et redonne espoir à celles qui se battent depuis l’ombre.

Depuis Berlin, Sadia Bromand continue de faire entendre sa voix. Elle affirme que les femmes afghanes sont des combattantes, qu’elles ont du talent et qu’elles peuvent exceller dans tous les domaines si on leur en donne l’opportunité. De plus, elle rejette les discours fatalistes et refuse de croire que la domination des talibans durera éternellement. Pour elle, l’avenir de l’Afghanistan passe par l’éducation, la liberté et l’émancipation des femmes. En effet, elle s’oppose ouvertement à ce qu’elle appelle une forme d’« apartheid de genre », comme la qualifie aussi l’ONU. Depuis novembre 2022, les femmes n’ont même plus accès aux salles de sport ni aux parcs. Cependant, elle reste convaincue que ce régime oppressif finira par tomber. Son rêve ? Voir un jour les filles afghanes étudier, faire du sport, et choisir librement leur voie, comme c’est le cas dans d’autres pays.

À travers ses combats sur le ring et ses discours hors du ring, Sadia Bromand incarne une double résistance : celle du corps et de la pensée. Elle transforme sa douleur en force, son exil en mission, et montre que, même loin de chez soi, on peut continuer à défendre la liberté.

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