Le nouveau rapport du HCE (Haut Conseil à l’Égalité) révèle des chiffres alarmants sur le sexisme, notamment en progression chez les jeunes. D’après l’enquête menée par le HCE, il en ressort que le sexisme prend ses racines dans les trois principaux piliers d’éducation qui sont la famille, l’école et le numérique. De nombreuses causes mais aussi des traitements y sont révélés, et permettraient d’améliorer les idées reçues sur l’inégalité entre les femmes et les hommes.
88% des français.es sont révolté.es qu’un homme gifle sa conjointe
Seule la violence provoque un sentiment de révolte anti-sexiste, chez les femmes comme chez les hommes. 88% des français.es sont révolté.es qu’un homme gifle sa conjointe (+4 points par rapport à l’an dernier) ; 60% qu’une femme se fasse gifler dans la rue (+6 points) et 62% qu’un homme insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe (+ 4 points).
36% se révoltent qu’un homme commente la tenue vestimentaire d’une femme (+6 points), 31% le sont du mansplaining (+6 points) et 28% ont le même sentiment concernant les blagues et les remarques sexistes (+4 points). Dans ce troisième rapport publié par le HCE, il est mentionné que 86% des femmes, soient près de 9 femmes sur 10, ont déjà vécu une situation sexiste. A l’image de l’an passé, 37% des femmes déclarent aussi avoir déjà vécu au moins une situation de non-consentement. Chez les femmes entre 25 et 49 ans, c’est quasiment une femme sur deux.
92% de la population estiment que les femmes et les hommes ne sont pas traité.es de la même façon
Et sur les idées reçues, “le sexisme s’ancre, voire progresse” selon le “Rapport annuel 2024 sur l’état des lieux du sexisme en France” du HCE. L’an passé, ce rapport annuel dénonçait déjà des chiffres inquiétants concernant la progression du sexisme. A l’heure actuelle, 92% de la population considèrent que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière, dans au moins une des sphères de la société.
Dénoncé comme une réalité grave, le sexisme est vécu quotidiennement par les femmes dans tous les domaines de leur vie. Les femmes entre 25 et 34 ans trouvent encore plus difficile cette année d’être une femme dans la société (+ 5 points). Une progression reconnue par l’ensemble de la population avec des violences sexistes et sexuelles qui ne cessent de croître. Dans certaines sphères, ces violences s’aggravent.
70% des hommes pensent qu’un homme doit prendre soin financièrement de sa famille pour être respecté dans la société
Injonctions à la maternité, à la féminité… ces idées prolifèrent dans la société, y compris chez les femmes elles-mêmes. Du côté masculin, les hommes adhèrent toujours plus aux stéréotypes masculinistes : 70% des hommes pensent qu’un homme doit prendre soin financièrement de sa famille pour être respecté dans la société (63% des femmes le pensent également); 31% pensent qu’il faut savoir se battre (27% des femmes aussi); 13% qu’il faut avoir beaucoup de partenaires sexuels.
Par ailleurs, l’idée “qu’il est plus difficile pour les hommes de pleurer que pour les femmes” prend 3 points chez les hommes cette année (42%). Beaucoup pensent que “les hommes sont meilleurs en maths”, plus 4 points (17%), que “la contraception est une affaire de femmes” (26%) et le “barbecue une affaire d’hommes” (26%).
78% des femmes pensent qu’il faut être sérieuse pour être respectée dans la société
Chez les femmes, on observe que 78% d’entre elles pensent qu’il faut être sérieuse pour être respectée dans la société, 60% d’entre elles pensent qu’elles doivent être discrètes (45% des hommes également), 52% qu’elle aient des enfants (41% des hommes aussi) et 48% qu’elles aient peu de partenaires sexuels (37% en ce qui concerne les hommes).
L’idée que “les femmes soient naturellement plus douces que les hommes” progresse de 3 points chez les femmes (53%) et 34% d’entres elles pensent “qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants”, cette idée gagne 7 points (34%).
58% des femmes déclarent avoir déjà renoncé à sortir faire des activités seules
Face au sexisme, les femmes adoptent des stratégies d’évitement ou de renoncement pour ne pas avoir à subir de sexisme. Au quotidien, cela à de véritables conséquences sur leur liberté: 58% déclarent qu’elles ont déjà renoncé à sortir faire des activités seules ; 44% qu’elles ont déjà fait attention à ne pas hausser le ton et 43% qu’elles ont censuré leurs propos par crainte de la réaction des hommes. Chacune de ces idées ont progressé de 3 points par rapport à l’an dernier chez les femmes. En totalité, 9 femmes sur 10 ont déjà renoncé à des actions ou modifié leur comportement pour ne pas subir de sexisme.
La famille, le premier berceau du sexisme
Près de 70% des femmes considèrent que les femmes et les hommes ne sont pas traité.es de la même façon dans leur famille et plus de la moitié (52%) ont personnellement fait l’objets de cette différence traitement, selon le HCE.
Malgré ce constat, l’ensemble des parents pensent avoir élevé leur enfants de sexes opposés de façon identique. Près de 41% pensent l’avoir fait à tous les niveaux. Chez les enfant concernés, 21% estiment qu’ils.elles ont été éduqués de la même manière à tous les niveaux.
Le sexisme dans l’industrie des jouets
76% des parents estiment avoir choisi les mêmes jouets pour leurs enfants du genre opposés. Malgré ça, 62% des femmes déclarent avoir reçu des poupées contre 3% des hommes. 45% des hommes ont reçu des voitures contre 4% des femmes.
Au final, ce sont 72% des femmes qui ont reçu des jouets associés à la construction sociale de la féminité (contre 11% des hommes), et 78% des hommes se sont vu offrir des jouets qui se rapportent à la construction de la masculinité.
L’injonction à la maternité est inculquée aux filles dès le plus jeune âge et les injonctions des hommes reposent sur des compétences techniques, de compétition.
L’école renforce les stéréotypes sexistes
Plus d’une personne sur deux considère que les femmes et les hommes ne connaissent pas le même traitement à l’école. D’ailleurs, ce lieu d’enseignement est perçu comme étant de plus en plus inégalitaire (+2 points cette année et +11 points sur 2 ans). Ces inégalités ont pour conséquences que des filles s’orientent trop peu vers les carrières scientifiques, en particulier les mathématiques et le numérique. A l’arrivée, moins de 30% des ingénieures en France sont des femmes.
Par ailleurs, 4 personnes sur 10 estiment que les garçons manquent de respect envers les filles à l’école. Une idée que confessent 62% des femmes entre 15 et 24 ans. D’après l’Unicef, les filles font davantage l’objet de discriminations liées à leur tenue vestimentaire et adoptent déjà des stratégies d’évitement notamment en renonçant à s’habiller comme elles le souhaitent. Les expressions de violences et d’incivilités sont largement représentées par les garçons à l’école, renforçant les injonctions liées à la “virilité”.
Les réseaux sociaux: l’omniprésence du sexisme
Sur les réseaux sociaux, les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière selon 72% des femmes de 15 à 24 ans. Un chiffre alarmant en constatant l’omniprésence de ces outils dans la vie quotidienne et de l’impact procuré sur les mentalités.
Selon une analyse du HCE, les 100 contenus les plus vus des principales plateformes comme Youtube, Instagram et TikTok, ont une résonance sexiste. 68% des contenus diffusés sur Instagram contiennent des stéréotypes de genre : sous représentés dans la sphère professionnelle et surreprésentées dans la sphère privée. Sur cette plateforme, l’injonction à la maternité y est très forte.
Les stéréotypes, pratiquement présents dans tous les contenus
Sur Youtube, 88% des vidéos comprenaient au minimum un stéréotype masculin dont la plupart étaient associés à des valeurs viriles et à un climat de violence. Sur TikTok, les vidéos d’apparence humoristique sont dominées par des représentations dégradantes et humiliantes des femmes (42,5%).
Dans 77% des contenus les plus visionnés, l’activité des personnages y est stéréotypée, en y ajoutant la présence de dialogues sexistes comme : “Nous devons appeler papa, il est fort il le chassera (le voleur)” ou encore “Je veux être jolie comme une princesse”.
Les ravages de l’industrie pornographique
Près de 90% des contenus pornographiques présentent des actes non simulés de violences physiques, sexuelles ou verbales envers les femmes. Cette industrie impacte particulièrement le comportement des jeunes hommes entre 25 et 34 ans.
Encore plus problématique, seule la moitié d’entre eux perçoit un problème dans l’image des femmes qui y est véhiculée. Mais 33% de jeunes hommes de 18-24 ans estiment que la pornographie a eu une influence négative sur leur sexualité. Selon l’Ifop, 57% des hommes ont visionné leur premier porno à moins de 11 ans.
La pornographie a aussi un impact négatif sur le rapport que les femmes entretiennent avec leurs propres corps. Depuis 2019, les femmes entre 18 et 34 ans consomment plus d’actes esthétiques que les 50-60 ans. Une image déformée par les corps très normés représentés dans la pornographie, mais aussi sur les réseaux sociaux.
L’éducation, pour revoir les bases
Dans le rapport 2024 du HCE, il est recommandé d’éduquer face au sexisme. Pour cela, il est proposé de déployer un programme d’éducation à l’égalité. Dans ce programme est prévu une consultation nationale des jeunes en 2024 en adaptant le programme à leurs besoins; créer un corpus sous la forme d’un manuel dédié qui contiendrait le nom des associations compétentes, les numéros d’urgence, les sites internet, ainsi que les auteurs et autrices qui impactent l’égalité.
Le HCE souhaite aussi instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité et à la vie affective dans une délai de trois ans. Une sanction financière serait prévue en cas de non-respect de cette obligation dans ce délai.
La régulation, pour diminuer l’influence des contenus numériques
La supervision de l’Arcom jouerait un rôle essentiel, notamment dans l’auto-évaluation annuelle des plateformes sur les publications les plus vues. Les contenus pornographiques sont aussi visés par un contrôle plus aiguës sous l’égide de l’article 222-33-3 du code pénal qui stipule la prohibition des scènes de violences banalisées et illégales sur les sites pornographiques.
Les sanctions, au coeur du changement
Dans ces optiques, renforcer les sanctions devient urgent, notamment en faisant du sexisme un délit, pour créer un véritable outil juridique contre le fléau. Pourtant, une loi de 1881 pénalise les propos discriminatoires à caractère sexiste, et l’outrage sexiste. Cette loi est en partie considérée comme un délit depuis le 1er avril 2023. Mais les sanctions pour ce type d’outrages restent peu nombreuses. Pour mieux l’appliquer, il est nécessaire de repérer, retenir puis punir : un processus à améliorer.
Pour cela, les moyens financiers et humains de la justice doivent être augmentés. L’objectif, former le plus de magistrats possible et augmenter leur nombre. Une idée qui concernent notamment ceux chargés des affaires de violences intra-familiales, pour accompagner au mieux les victimes de violence et faire évoluer la loi sur le viol, qui voit trop peu de condamnations (1%) sur les 90 000 viols déclarés.
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