Enfants en Ukraine : la sonnette d’alarme de la directrice d’UNICEF

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Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le nombre de personnes déplacées ou réfugiées n’arrêtent pas de croître. Parmi elles, des dizaines de milliers d’enfants sont contraints de fuir leurs villes. Pour connaître la situation de ces enfants en Ukraine, nous avons interrogé Ann Avril, Directrice Générale de l’UNICEF en France.

Des équipes de l’UNICEF sont en Ukraine, comment vous organisez-vous pour apporter de l’aide aux enfants ?

Nous avons effectivement 130 collaborateurs sur place, qui travaillaient avant le début de la crise et qui ont fait le choix de rester. Ils étaient principalement à Kiev dans les bureaux et on les a déménagés à Lviv, pour sécuriser le travail des équipes. Ces équipes travaillent en coordination avec d’autres ONG, avec le HCR (le Haut-Commissariat aux Réfugiés) car nous avons des actions très complémentaires pour apporter de l’aide à ces familles réfugiées ou déplacées. Nous collaborons avec des associations issues de la société civile mais aussi avec différentes municipalités pour apporter du matériel d’urgence. Notre problème c’est l’accès aux populations, indispensable pour laisser un corridor humanitaire et permettre aux équipes de secours de travailler en sécurité, pour protéger les populations civiles en particulier les enfants.

Avez-vous des estimations d’enfants pris en charge ?

Plusieurs dizaines de milliers d’enfants sont actuellement aidés. Mais ce nombre n’arrête pas de croître. On estime que la prise en charge pourrait concerner jusqu’à 2,2 millions d’enfants.  On les accueille dans les « Blues Dots », sur le terrain en Ukraine et dans les pays limitrophes, la Pologne, la Roumanie, la Moldavie et la Biélorussie. Ces espaces offrent à ces familles qui sont sur la route, un accueil et une prise en charge des enfants et de leurs familles où nos équipes leur donnent des premiers soins pour le traumatisme des enfants, des vêtements,  de l’eau, des médicaments, des kits d’hygiène (couche culottes, serviette hygiénique, lingettes, savons…), des aliments nutritionnels, et pouvoir se laver et un lieu de repos. Ces familles n’ont pas vocation à rester mais à rejoindre d’autres villes car il y a une forte solidarité locale chez la population ukrainienne, pour ces déplacés d’est en ouest. Ils rejoignent de la famille, des églises, des mairies…

Qu’observez-vous chez ces enfants ?

On a un afflux d’enfants qui ne vont pas bien. Les enfants ne sont pas préparés. Ces bruits de bombardements, ce déracinement soudain, cette exposition à la violence voire à la mort, ce sont des traumatismes psychologiques forts. Un phénomène assez significatif est que beaucoup d’enfants sont partis seuls avec leurs grands-parents. Imaginez ce stress pour un enfant de laisser ses deux parents combattre sous les bombes. 

Dans ces espaces amis des enfants, ils peuvent jouer entre eux, dessiner, se resocialiser, discuter avec des psychologues et être pris en charge. On a un réseau de psychologues, car plus on prend tôt les traumatismes, moins il y a de séquelles au long terme. Il est important de créer, même temporairement, un espace ludique et de loisirs éducatifs pour préserver les enfants du contexte de conflit meurtrier.

Quelles sont vos autres craintes ?

L’Ukraine est le pays où il y a le plus d’enfants en institutions ou en orphelinats. Nous sommes très préoccupés par le sort de ces 91 000 enfants qui sont laissés dans ces institutions. Pour nombre d’entre eux, ils sont handicapés, et pourraient ne pas être sauvés des bombes.

Un autre mandat de l’UNICEF est de rapprocher les enfants de leurs familles, car dans le feu de la violence, certains peuvent avoir été séparés, et en proie à des prédations ou des trafics. C’est quelque chose que l’on veut absolument éviter.

Enfin, la santé maternelle et infantile devient une préoccupation importante car les campagnes de vaccinations se sont arrêtées brutalement, alors même qu’on observait une recrudescence de la polio et d’épidémies de rougeole. Les conditions de conservation des vaccins pour la polio ne sont plus assurées. Concernant la Covid, la campagne de vaccination en cours a également été interrompue et le risque de saturation des hôpitaux est très fort avec les victimes et les blessés de ce conflit. 

Vous avez parlé de la solidarité internationale et de l’aide humanitaire, avez-vous observé une hausse significative des dons ?

Oui, nous observons un élan de solidarité très fort face à cette crise, car au-delà de la brutalité, elle est aussi proche de chez nous. Les donateurs particuliers mais aussi les entreprises se mobilisent.

Concernant les particuliers, nous avons collecté plus d’un million d’euros en trois jours, ce qui représente 15% de notre collecte annuelle, c’est donc très important. Et pourtant, nous avons été contraints de ne pas trop communiquer dans les premières heures, afin de protéger nos personnels et les mettre en sécurité. Au niveau mondial, nous en sommes à plus de 40 millions de dollars de collecte.

Concernant les entreprises, les grands patrons ont répondu positivement à notre appel et nous avons reçu de gros dons de la part d’Axa, de Louis Vuitton qui est un mécène de très longue date, de Cap Gemini ou encore de la Fondation OL (Olympique Lyonnais), rassemblant ainsi plusieurs millions d’euros.

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