A la cour criminelle de Paris, les procès pour viols se font sans jurés populaires

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Depuis le début de l’année 2023, la moitié des affaires criminelles en France sont jugées par des cours criminelles départementales, et non plus par des cours d’assises traditionnelles, soit sans jurés populaires. Une réforme vivement contestée.

Les salles d’audience des cours criminelles départementales (CCD) sont désormais quasi vides : quelques témoins, le ou les accusés, la partie civile, leurs avocats. Héritier de la révolution française, le traditionnel cortège de jurés citoyens attendant l’éventuel appel de leur nom pour rendre la justice “au nom du peuple français” n’est plus présent.

Ne plus requalifier les viols en délit ?

Cette nouvelle juridiction, qui acte la fin des jurés populaires pour juger en première instance les crimes punis jusqu’à vingt ans de réclusion, a pour but de désengorger les cours d’assise et d’éviter, notamment en matière de viols, des requalifications en délits, dénoncées par les associations de défense des droits des femmes. L’essentiel de ces affaires passe désormais devant la cour criminelle départementale, une juridiction généralisée sur tout le territoire depuis le 1er janvier.

Dans l’historique palais de justice de Paris, sur l’île de la Cité, la cour criminelle a une salle dédiée, l’ancienne 10e chambre correctionnelle, “plus intimiste” et “moins imposante”, pour l’avocate Clarisse Serre. Désormais, les plaidoiries peuvent être “plus technique” que devant des citoyens tirés au sort, portant sur les faits et la loi, plus sur l’émotionnel, comme c’était le cas jusqu’a présent avec les jurés de citoyens qui ne connaissent pas la loi.

“Les débats particulièrement apaisés”

Les avocats qui ont récemment “testé” les cours criminelles départementales estiment qu’il est encore trop tôt pour savoir si les résultats seront durablement différents que s’ils avaient été plaidés devant une cour d’assises. Ils soulignent cependant que les débats semblent particulièrement apaisés et que les avocats étaient plus mesurés. Ils n’ont plus besoin de se donner en spectacle pour amadouer les jurés populaires. “Quand on a des jurés, on joue plus sur les émotions“, souligne Me Adrien Sorrentino, qui a défendu fin mars un homme condamné à dix ans de réclusion pour le viol d’une femme dans la rue.

Le format de la cour criminelle est sensiblement similaire à celui d’une cour d’assises, mais l’audience est plus rapide et peut-être moins intense, d’après Me Camille Fonda. L’absence de jurés permet effectivement un “gain de temps” lors du délibéré, où sont débattues désormais entre professionnels la culpabilité de l’accusé et la juste peine qui doit être prononcée à son égard.

Moins de vulgarisation est également demandée aux experts à la barre. Plus besoin d’expliquer la loi, dans la salle, tout le monde comprend.

Attention à la justice au rabais

La généralisation de ces cours sans jurés suscite cependant les réticences, voire l’hostilité d’un certain nombre de professionnels qui craignent une “justice au rabais”, de moindre qualité. “Si la CCD reste comme cela à long terme, moi je signe tout de suite”, souligne Me Sorrentino. Mais “si elle se transforme en juridiction criminelle de second plan, j’ai peur qu’à la longue les magistrats se lassent et on aura tout perdu”.

“L’avantage d’avoir des citoyens juges, c’est qu’ils ne sont pas fatigués, usés de l’exercice de juger, qui peut entraîner des biais“, renchérit la pénaliste Lucile Collot. “Même pour les magistrats professionnels, avoir des citoyens leur impose une accessibilité et une discipline dans l’exercice de leur mission de juger. Et ils se doivent encore plus d’être exemplaires”, souligne-t-elle.

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