Au cœur de Manhattan, l’élégance noire s’est imposée comme un manifeste visuel face à une Amérique fracturée. Lundi soir, l’édition 2025 du Met Gala a célébré les influences des diasporas noires sur la mode, dans une atmosphère éclatante d’extravagance, de politique et d’histoire.
Rihanna enceinte, Kamala Harris en discrète invitée d’honneur, des stars du rap et du sport en ambassadeurs stylés : ce gala ultra-sélectif, où chaque place au dîner coûte jusqu’à 75.000 dollars, a brillé autant par son faste que par la portée symbolique de son thème, centré sur le dandysme noir.
Dandysme, héritage et afro-futurisme
Le thème de l’édition 2025 rendait hommage à une esthétique née en résistance, celle des anciens esclaves qui, en s’appropriant les codes vestimentaires des élites, ont transformé l’habit en acte d’affirmation. Ce dandysme noir, raffiné et engagé, inspire aujourd’hui une nouvelle génération d’artistes.
Doechii, étoile montante du rap, a choisi une coupe afro, cigare en bouche, veste courte et short siglés Louis Vuitton. Colman Domingo, acteur et coprésident du gala, arborait une cape bleu roi en hommage à André Leon Talley, pionnier afro-américain de Vogue.
Autres coprésidents, Lewis Hamilton en costume crème et béret assorti, et Pharrell Williams, perles incrustées sur veste blanche, ont renforcé l’imbrication entre pop culture et patrimoine.
Un tapis rouge à la résonance politique
Chaque premier lundi de mai, les marches du Met deviennent le podium le plus scruté de la planète mode. Mais cette année, dans une Amérique trumpiste où les politiques de diversité sont attaquées, la thématique choisie par le Costume Institute, une exploration des esthétiques noires, a résonné bien au-delà du cercle des fashionistas.
« Il est évident que cette exposition a été planifiée il y a de nombreuses années et que nous ne savions pas ce qui se passerait dans l’arène politique, mais elle prend une nouvelle importance et une nouvelle raison d’être », a confié Anna Wintour, la toute-puissante directrice de Vogue, en marge de l’événement. Soutien assumé du Parti démocrate, elle a orchestré une soirée où mode et message s’entrelacent étroitement.
Quelques jours seulement après son discours très commenté post-électoral, la vice-présidente Kamala Harris a fait une apparition remarquée au gala. Si elle a évité les marches bondées de photographes, une photo officielle diffusée par le Parti démocrate sur X a confirmé sa présence. Elle portait une robe de soie noire et blanche signée IB Kamara, styliste à la tête de la maison Off-White, soulignant son soutien aux créateurs africains et afrodescendants.
Le pouvoir des icônes : Rihanna, Diana Ross, Teyana Taylor…
Sur le tapis rouge, les stars ont rivalisé d’audace et de références. L’actrice Teyana Taylor a imposé sa silhouette en cape rouge brodée de roses, chapeau à plume et chaînes d’argent sur gilet cintré. Diana Ross, quant à elle, portait une traîne spectaculaire brodée des prénoms de ses enfants et petits-enfants, une robe comme un arbre généalogique.
Rihanna, toujours reine du suspense, est arrivée tardivement après avoir officialisé sa troisième grossesse sur Instagram. Ventre arrondi sous une jupe nouée et mini-veste, elle portait un chapeau oversize et s’est faite ovationner à son arrivée. Son compagnon A$AP Rocky a confirmé la nouvelle : « Merci, merci, merci (…) nous sommes vraiment heureux. »
Le sport américain, de plus en plus présent dans les univers de la mode, a aussi brillé. Si LeBron James, président d’honneur, a déclaré forfait pour blessure, les icônes Simone Biles, Sha’Carri Richardson, ou les stars du basketball féminin Angel Reese, Sabrina Ionescu et Breanna Stewart ont défilé comme des reines.
Un gala sous tension
En pleine année électorale, alors que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche, supprime les fonds fédéraux pour les programmes de diversité, le Met Gala 2025 devient plus qu’un événement mondain : une tribune silencieuse pour l’inclusion, la mémoire et l’élégance en héritage.
Avec 31 millions de dollars levés, selon le Met, la soirée prouve une fois de plus que le luxe peut aussi faire œuvre de résistance.