L’Italie franchit une étape majeure dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Mardi, la Chambre des députés a voté à l’unanimité (237 voix pour, zéro contre) une loi gouvernementale qui introduit dans le code pénal italien un nouveau crime : le féminicide. Déjà approuvé par le Sénat en juillet, ce texte transforme la manière dont la justice italienne appréhende les homicides de femmes, en reconnaissant explicitement leur dimension sexiste.
Jusqu’ici, le droit italien ne prévoyait que des circonstances aggravantes en cas d’homicide d’une femme, et uniquement si l’assassin était le mari ou un parent de la victime. La réforme crée une catégorie spécifique d’homicide « fondé sur les caractéristiques de la victime ». L’article 577 bis nouvellement intégré au Code pénal punit désormais de la réclusion à perpétuité tout acte visant à tuer une femme « par discrimination, haine ou violence, par contrôle, domination ou possession, ou encore en raison du refus de la victime d’établir ou maintenir une relation affective ».
Le texte reconnaît ainsi les mécanismes spécifiques du féminicide : la volonté de domination, la punition d’une femme perçue comme insoumise, ou encore les violences motivées par un rejet, une rupture ou des comportements considérés comme transgressifs par l’agresseur. Cette reconnaissance juridique est saluée comme un tournant par les associations féministes italiennes, qui réclamaient depuis des années une qualification pénale spécifique.
Un consensus politique rare pour lutter contre les violences : Meloni salue « un instrument supplémentaire »
La Première ministre italienne Giorgia Meloni a exprimé sa satisfaction dans une vidéo publiée quelques minutes après le vote. « Je me réjouis de l’adoption à l’unanimité du projet de loi qui introduit le crime de féminicide. C’est un signe important de cohésion politique contre la barbarie et les violences faites aux femmes », a-t-elle déclaré. Elle a ajouté que ce nouveau crime représente un « instrument supplémentaire » pour défendre « la liberté et la dignité de chaque femme ».
Ce consensus est d’autant plus remarquable qu’il intervient dans un climat politique habituellement marqué par de fortes divisions. L’union des parlementaires, de l’extrême droite à la gauche, reflète l’ampleur de l’inquiétude face aux violences extrêmes subies par les femmes en Italie.
Selon les dernières données de l’Istat, publiées à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, l’Italie a comptabilisé 327 homicides en 2024, dont 116 femmes — un chiffre stable par rapport à 2023. Dans 92,2 % des cas, les femmes ont été tuées par des hommes, souvent dans un cadre conjugal ou familial. Ces statistiques justifient, pour le gouvernement comme pour les ONG, l’urgence d’un dispositif pénal plus clair, plus cohérent et plus protecteur.
Avec cette loi, l’Italie rejoint les pays ayant inscrit dans leur législation une définition autonome du féminicide, reconnaissant qu’il s’agit d’un crime fondé sur le genre et non d’un simple homicide conjugal ou intrafamilial. Les militantes italiennes espèrent désormais des investissements massifs dans la prévention, les centres d’accueil, la formation des policiers et l’éducation à l’égalité, sans lesquels la réforme resterait symbolique.
Ce changement profond du code pénal pourrait également influencer le débat européen sur l’harmonisation des législations relatives aux violences sexistes. À Bruxelles, plusieurs eurodéputés plaident depuis 2023 pour l’inscription du féminicide dans le droit européen — un chantier encore bloqué par certains États membres.
