En France, la lutte contre l’antisémitisme connaît une urgence accrue. Face à une augmentation alarmante des actes antisémites depuis le 7 octobre 2023, les autorités multiplient les initiatives pour renforcer la protection des victimes et prévenir la propagation de la haine. Lors de la remise officielle du rapport du groupe de travail sur la lutte contre l’antisémitisme, dirigé par Marie-Anne Matard-Bonucci et Richard Senghor, plusieurs membres du gouvernement, dont la ministre de l’éducation Élisabeth Borne et la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations Aurore Bergé, ont pris la parole pour affirmer leur engagement.
Un rapport qui appelle à des réponses fermes et structurées
Aujourd’hui, le groupe de travail sur la lutte contre l’antisémitisme a présenté son rapport, mené par Marie-Anne Matard-Bonucci, professeure d’histoire à l’université Paris VIII, et Richard Senghor, conseiller d’État. Ce document stratégique met en avant plusieurs préconisations essentielles pour renforcer la réponse institutionnelle face à la montée des actes antisémites.
Parmi ces recommandations : mieux définir et mesurer l’antisémitisme pour mieux sanctionner les actes et protéger les victimes. Le rapport propose notamment de sortir les cinq infractions à caractère raciste et antisémite du droit de la presse pour les intégrer pleinement dans le droit pénal général, afin de faciliter les poursuites judiciaires.
La ministre Aurore Bergé a salué ces travaux, affirmant :
« J’accueille très favorablement les recommandations de former les enseignants à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. La lutte contre les haines est au cœur de l’éducation. Je pense aussi à cette idée forte de la création d’un institut de formation et de recherche sur le racisme et l’antisémitisme. Comme cela existe déjà au Royaume-Uni ou en Allemagne, la France ne peut pas rester en retrait. »
Cette proposition d’institut vise à professionnaliser la formation continue des référents académiques aux « valeurs de la République » et à recontextualiser l’histoire de l’antisémitisme et du racisme dans les programmes scolaires. À travers cette approche, il s’agit de renforcer durablement la sensibilisation des plus jeunes.
En parallèle, le rapport insiste sur la nécessité de protéger les agents publics, notamment les enseignants victimes d’actes antisémites. Il propose de rendre obligatoire l’octroi d’une protection fonctionnelle aux agents concernés et autorise l’administration à déposer plainte en leur nom.
Une réponse politique face à une recrudescence des actes antisémites
Le contexte dans lequel ce rapport a été remis est particulièrement alarmant. Depuis le 7 octobre 2023, plus de 1 000 actes antisémites ont été recensés, impliquant souvent des atteintes physiques aux personnes. Aujourd’hui, en France, un Juif est victime d’une agression physique tous les trois jours. Par ailleurs, 42 % des mis en cause pour des faits antisémites sont âgés de moins de 35 ans, témoignant d’une inquiétante banalisation des discours de haine chez les jeunes générations.
La Première ministre Élisabeth Borne a rappelé la nécessité d’une mobilisation durable et multiforme :
« La réponse doit être ferme, lucide, collective. Elle doit s’inscrire dans le temps long conjugué à tous les temps : au passé, car pour en renseigner les ressorts de l’antisémitisme avec rigueur, et sans concession dans le cadre de l’enseignement de la Shoah ; au présent, car c’est en connaissance, en histoire et en réagissant au quotidien, sans relâche, sans faiblesses que nous ferons reculer l’antisémitisme ; et enfin au futur, car le futur de notre pays, ce sont nos élèves, à qui l’école a pour mission de transmettre les valeurs de fraternité et de respect. Ce futur incertain exige aussi que nous nous adaptions aux formes nouvelles de l’antisémitisme : un langage détourné, insidieux, sur les réseaux sociaux, l’influence croissante des extrêmes et leur complaisance qui ne dit pas son nom. »
Dans cette perspective, une proposition de loi sera prochainement soumise à l’Assemblée nationale, comme l’a annoncé Aurore Bergé, afin de donner une base légale solide aux préconisations du rapport. Cette initiative vise à envoyer un signal clair : la République ne tolérera aucune complaisance envers la haine antisémite.
Une actualité tragique qui rappelle l’urgence d’agir
La remise du rapport est survenue alors que la France a été de nouveau frappée par un acte violent à caractère raciste. À La Grand-Combe, dans le Gard, un jeune Malien, Aboubacar Cissé, a été tué dans l’enceinte de la mosquée Khadija. La piste privilégiée par les enquêteurs est celle d’un acte islamophobe, perpétré par un homme français d’origine bosnienne, sans emploi, né à Lyon. Après son geste, le suspect s’est rendu de lui-même à un commissariat de Pistoia, en Italie.
Aurore Bergé a réagi à ce drame, en rappelant :
« Toutes les formes violentes de racisme et d’antisémitisme doivent être combattues par la République. »
Cet événement tragique souligne l’importance de renforcer les mécanismes de protection et de prévention évoqués dans le rapport. Il révèle aussi à quel point les discours de haine peuvent mener à des actes irréparables, et ce, au cœur même des lieux de culte, censés être des sanctuaires de paix.
Une mobilisation collective nécessaire et durable
La remise du rapport Matard-Bonucci/Senghor sur la lutte contre l’antisémitisme, saluée par les plus hautes autorités de l’État, marque une étape importante pour mieux répondre à la recrudescence des actes de haine en France. Mais elle ne constitue qu’une première pierre.
Comme l’ont rappelé Élisabeth Borne et Aurore Bergé, la lutte contre l’antisémitisme doit être globale, continue et adaptée aux nouvelles réalités. Elle doit mobiliser toutes les institutions : l’école, la justice, la police, les associations, mais aussi chaque citoyen.
Il s’agit désormais de transformer ces recommandations en actes concrets, en lois, en formations, en mesures de protection. Face à un phénomène qui évolue et se diffuse parfois de manière insidieuse, seule une vigilance collective, sans relâche, pourra faire reculer la haine.