Fraîchement élue présidente élue du Mexique, Claudia Sheinbaum, a fait la promesse d’une “tolérance zéro” face à l’immense défi qui l’attend : gouverner un pays confronté à 80 homicides quotidiens, principalement perpétrés par des groupes criminels qui contrôlent de vastes territoires.
Première femme présidente du Mexique
Âgée de 61 ans, Sheinbaum devra lutter contre la violence qui a engendré environ 450 000 décès et 100 000 disparitions depuis le lancement de l’offensive militaire contre les cartels en 2006 par l’ancien président Felipe Calderon.
En plus de ces défis, elle devra également maintenir les programmes sociaux, faire face aux effets du changement climatique et gérer la relation complexe avec les États-Unis. “Nous mènerons le Mexique sur le chemin de la paix et de la sécurité”, déclare Mme Sheinbaum dans sa première prise de parole après l’annonce de sa victoire.
Premier objectif, cibler les cartels
Elle réaffirme sa stratégie consistant à cibler les racines de la violence, telles que l’exclusion des jeunes recrutés par les cartels, la consolidation de la Garde nationale, le renseignement et les enquêtes, ainsi que la coordination entre les différents niveaux de gouvernement pour assurer une tolérance zéro envers l’impunité.
L’ancienne maire de Mexico souhaite appliquer cette approche à l’échelle nationale, ayant constaté une diminution de la criminalité dans la capitale entre 2018 et 2023, selon les statistiques officielles.
“La hausse abominable du crime organisé et des cartels florissants est le problème le plus écrasant que Sheinbaum doit affronter”, affirme Michael Shifter, expert du centre d’analyse Diálogo Interamericano.”Si elle ne peut pas enrayer la détérioration dramatique de la situation sécuritaire au Mexique, ce sera de plus en plus difficile de mettre en oeuvre son agenda de politiques sociales et économiques”, ajoute-t-il.
“Il n’y a plus d’argent”
La nouvelle présidente devra maintenir les aides directes bénéficiant à 25 millions de Mexicains, malgré une détérioration des finances publiques. Les prévisions indiquent un déficit budgétaire pour 2024 atteignant 5,9 %, le plus élevé en trois décennies.
“Le défi le plus important pour la prochaine administration sera de corriger le déficit élevé”, d’après Víctor Ceja, économiste en chef à la Bourse des valeurs du Mexique (Valmex).
Une réforme fiscale est évoquée par plusieurs experts. “Davantage de revenus fiscaux sont nécessaires pour maintenir la prudence fiscale et pour relever le défi d’importants besoins de dépenses publiques”, souligne l’OCDE.
Claudia Sheinbaum mise sur le “nearshoring”
La croissance devrait être de 2,2% en 2024. Mme Sheinbaum mise sur le “nearshoring”, la relocalisation le long de la frontière avec les Etats-Unis d’une partie des usines installées en Asie. Le Mexique a enregistré un record d’investissements étrangers en 2023 (36 milliards de dollars).
Pour tirer le meilleur du “nearshoring”, le pays doit améliorer la sécurité, les infrastructures, l’approvisionnement en eau et électricité. La nouvelle présidente “a besoin de dépenser de l’argent dans de nombreux secteurs, et il n’y a pas d’argent”, résume Pamela Starr, experte du Mexique à l’Université de Californie du Sud.
“Les infrastructures sont obsolètes. L’électricité est un problème. Pemex (ndr: compagnie pétrolière publique qui traîne une dette de 100 milliards de dollars) est un problème”, ajoute-t-elle.
2,4 millions de migrants clandestins à la frontière
La pauvreté et surtout la violence sont les deux principales causes de la migration des Mexicains vers les Etats-Unis. En 2023, les autorités américaines ont arrêté un record de 2,4 millions de migrants clandestins à la frontière, dont un tiers de Mexicains.
Stephanie Brewer, directrice Mexique du bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA), suggère que Mme Sheinbaum puisse “briser ce cycle et mettre au centre (de son action) la protection des personnes”, en donnant la priorité à la lutte contre la violence et l’extorsion envers les migrants.
L’incertitude de la relation Etats-Unis/Mexique
“Avec les Etats-Unis, il y aura une relation d’amitié, de respect mutuel et d’égalité comme il y a eu jusqu’à maintenant. Et nous défendrons toujours les Mexicains qui se trouvent de l’autre côté de la frontière”, a déclaré la présidente élue dans ses premiers mots après la victoire.
Migration, commerce, lutte contre le trafic de drogue et d’armes: la relation bilatérale est dense et complexe. Claudia Sheinbaum prendra officiellement ses fonctions le 1er octobre, plus d’un mois avant l’élection présidentielle du 5 novembre de l’autre côté de la frontière.
Le futur vainqueur de l’élection aux Etats-Unis peut peser sur la révision du traité commercial entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. Si le président Joe Biden perd et son prédécesseur Donald Trump revient au pouvoir, “le défi majeur pour le Mexique sera l’incertitude”, selon l’experte Pamela Starr. “La relation sera bien davantage marquée par le conflit”.
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