Russie : Une avocate luttant contre la répression

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La rédaction

Maria Eismont, spécialiste de la défense des opposants au régime russe a été suivie durant deux semaines par l’AFP, tandis que la répression fait rage dans son pays. Voici comment se passe ces faux-semblants de procès…

Un procès mouvementé

La témoin, Lioudmila Grigorieva, 62 ans, chercheuse en physique chimie à l’Université d’État de Moscou a commencé son plaidoyer face à la juge du tribunal de Moscou : “Cet homme est un menteur, il est enclin aux machinations, il est membre d’une secte politique antirusse.”

L’accusé, Dmitri Ivanov, 23 ans, inculpé en avril 2022 pour “diffusion de fausses informations » et qui tenait une chaine d’opposition sur le réseau social Télégram, destinée aux étudiants de la même université prestigieuse, est également présent. 

Enfermé dans une cage de verre, dédiée aux accusées, le jeune homme regarde la témoin affirmer qu’il doit être incarcéré en raison de son opposition à l’offensive russe en Ukraine.

L’avocate de 47 ans affirme que “Ce témoignage ne répond pas à la question. On écoute une leçon très étrange, une espèce de rumination, un texte qui parle de gens n’ayant rien à voir avec l’affaire”.

Appelée à continuer par la juge, la témoin poursuit “Camarade avocate, ce texte dit que l’accusé, qui se présente comme une petite brebis innocente, a participé à des actions antirusses”.

Maria Eismont la questionne alors “Vous avez été à Marioupol ou à Boutcha ?”, faisant référence à deux villes en Ukraine où l’armée de la Russie est accusée d’exactions.

“Non, mais j’ai de la famille à Donetsk”, capitale des séparatistes prorusses dans l’Est de l’Ukraine rétorqua-t-elle, “je sais ce qui se passe grâce à eux et au ministère russe de la Défense.”

L’avocate est déçue que le discours sans vérification sur l’armée russe soit une “vérité a priori” dans ce procès.

Une détermination sans failles

L’avocate était peu de temps avant à la prison de Moscou Boutyrka. Elle rendait visite à l’un de ses plus célèbres clients, Ilia Iachine, incarcéré en juin dernier pour avoir mis en lumière l’attaque sur le territoire ukrainien.

En Russie, “cela fait déjà longtemps” qu’il est “impossible” de prouver son innocence explique-t-elle. Les parents de M. Iachine arrivent, afin de rendre également visite à leur fils incarcéré.

Le pouvoir russe essaye d’isoler le plus possible les opposants incarcérés et régule de plus en plus le public dans les procès. Grâce à de multiples requêtes officielles, Maria Eismont lutte afin de garder un minimum de transparence et apporte son soutien aux proches.

Valéri Iachine, 62 ans, père d’un des opposants se confie : “Elle est comme une thérapeute”. “Elle a apaisé nos émotions, autant que possible” poursuit celui dont le fils risque 10 ans de prison.

En 2018, Mme Eismont s’est tournée vers une carrière d’avocate après avoir été journaliste. Elle a déjà œuvré un grand nombre d’opposants de Vladimir Poutine, en particulier Mémorial, l’ONG actrice majeure de la défense des droits humains et co-lauréate du prix Nobel de la Paix.

“J’ai des gens à aider ici” explique l’avocate qui ne souhaite pas quitter la Russie, à l’inverse de milliers de personnes.

Maria Eismont ne sort que très peu victorieuse de ses procès, mais cela lui importe peu : “Je ne joue pas au casino” dévoile-t-elle.

“Il faut toujours être prêt. Il faut continuer à exiger le respect des droits et de la loi. Même si tout le monde s’en fout” poursuit l’avocate. Mme Eismont en est persuadée, ses actions seront utiles, “le jour où la justice reviendra en Russie”.

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