Procès de Mazan : douze ans de prison requis contre l’accusé à la “pensée d’un autre âge”

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Dans une salle d’audience suspendue au silence, l’avocat général Dominique Sié a livré un réquisitoire d’une puissance rare.
Face à Husamettin Dogan, seul des cinquante hommes condamnés pour les viols de Gisèle Pélicot à avoir fait appel, il a réclamé douze ans de réclusion criminelle — trois de plus que la peine initialement prononcée à Avignon.

« Vous avez participé à une œuvre de destruction massive d’une femme livrée en pâture », a tonné le magistrat, avant de dénoncer « la lâcheté d’un homme prisonnier d’une pensée d’un autre âge ».

“Transformer la culture du viol en culture du consentement”

L’ancien ouvrier de 44 ans, condamné en première instance à neuf ans de prison, continue de nier toute intention de viol.
Un déni jugé insupportable par le ministère public :

« Tant que vous refuserez de l’admettre, ce n’est pas seulement une femme que vous humiliez, c’est toute une société que vous cautionnez », a lancé l’avocat général.

Et d’ajouter :

« Il reste à faire évoluer, pour vous et pour la société, la culture du viol en culture du consentement. »

Dominique Sié a décrit une “prise de conscience collective”, un procès miroir d’un système social encore marqué par la domination masculine.

« C’est un fonctionnement archaïque, destructeur, qui place l’homme au centre de l’univers. Quand l’homme est d’accord, la femme l’est forcément. Et c’est cela qu’il faut renverser. »

Pour lui, l’affaire Pélicot révèle une faille culturelle profonde : celle d’une société qui, encore trop souvent, confond silence et accord.

« On ne peut pas, en 2025, considérer que parce qu’elle n’a rien dit, elle était d’accord. Car là, on se situe dans un mode de pensée d’un autre âge ! »

Des images insoutenables

Pendant quatre jours d’audience, la cour d’assises du Gard, composée de cinq hommes, quatre femmes et trois magistrats, a visionné des images glaçantes : Gisèle Pélicot, inconsciente, parfois ronflant, pendant qu’un homme la pénètre sans qu’elle ne puisse réagir.

« Bien sûr que Mme Pélicot n’était pas consentante », a insisté le représentant du parquet.
Le jury, conscient de la portée symbolique du procès, devra rendre son verdict dans la journée.

L’affaire qui avait été une véritable déflagration pas sa dimension hors norme, avait conduit à la condamnation de 49 autres hommes à des peines allant de trois ans à quinze ans de prison.
Mais pour l’accusation, ce dernier procès est décisif : celui du refus persistant d’un accusé d’assumer la réalité d’un viol.

« Ce dossier, c’est aussi celui d’une société qui doit changer de prisme », a souligné l’avocat général, rappelant que « le consentement ne se délègue pas, ne se suppose pas, et encore moins ne s’achète ».

“Une victime endormie, on n’y touche pas”

Les avocats de la partie civile, Me Antoine Camus et Me Babonneau ont plaidé avec force.

« Une victime endormie, on n’y touche pas », a martelé Me Camus, avant de rappeler que « ce dossier a fait évoluer la loi sur le consentement ».

Et d’ajouter :

« Après le parcours du combattant mené par Gisèle Pélicot, on espère que ce jury dira haut et fort qu’en France, les droits de l’homme sont aussi ceux de la femme. Qu’un acte sexuel imposé à un corps endormi est un viol. »

Face au tribunal, Husamettin Dogan s’est encore défendu :

« S’il m’avait dit : “Viens, je vais te filmer, on va la violer”, je ne serais jamais allé là-bas ! »

Une ligne de défense qui a fait bondir la victime :

« À quel moment je vous ai donné mon consentement ? Jamais ! Alors assumez vos actes et arrêtez de vous cacher derrière votre lâcheté ! », a lancé Gisèle Pélicot d’une voix ferme.

Sa phrase résonne désormais bien au-delà du prétoire.
Symbole mondial de la lutte contre la soumission chimique et la culture du viol, elle a transformé son combat individuel en cause universelle.

Le verdict attendu cet après-midi pourrait sceller un chapitre judiciaire, mais aussi une ère : celle où le silence d’une femme ne sera plus jamais interprété comme un consentement.

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