Mineurs auteurs et victimes : un tabou des violences sexuelles

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La rédaction

Un quart des personnes mises en cause pour viol en 2024 étaient mineures, selon le ministère de la Justice.

1/4 des mineures mis en cause pour viol

« C’est une question qui reste extrêmement taboue », alerte Anne-Hélène Moncany, psychiatre et présidente de la Fédération française des centres ressources pour intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (FFCRIAVS). Selon elle, dans l’imaginaire collectif, un auteur de violences sexuelles est nécessairement adulte. L’idée qu’un enfant puisse être un agresseur reste largement impensable. Elle pilote un rapport attendu en septembre, à la suite d’une audition publique consacrée à ce sujet.

Et pourtant, les données du ministère de la Justice sont sans appel : en 2024, plus d’un mis en cause sur quatre pour viol, et près d’un sur trois pour agression sexuelle, est mineur. Entre 2017 et 2024, ce sont 92 100 mineurs qui sont mis en cause pour des infractions sexuelles, dont 85 % impliquent au moins une agression sur mineur. Les plus représentés ? Les 13-15 ans (46 %), devant les moins de 13 ans (30 %) et les 16-17 ans (24 %).

16 % des élèves déclarent être victimes par d’autres enfants

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) confirme l’ampleur du phénomène : « C’est une réalité importante qui ne doit pas être sous-estimée ». Dans la sphère familiale, quand la victime est un garçon, l’agresseur est mineur dans 40 % des cas. Ce chiffre tombe à 31 % pour les victimes filles, selon un rapport de novembre 2023 basé sur des témoignages.

Même à l’école primaire, les violences sexuelles sont présentes : 16 % des élèves déclarent avoir subi des attouchements ou embrassades forcées de la part d’autres enfants, selon une enquête menée en 2023 par l’Éducation nationale.

Dans les foyers de l’aide sociale à l’enfance ou les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (Itep), le silence est encore plus lourd. Des professionnels dénoncent l’omerta sur les violences entre mineurs. La journaliste Aude Lorriaux évoque ce phénomène dans son livre Tableau noir : violences sexuelles entre enfants, le phénomène massif que l’école ne veut pas voir (Stock).

Face à ces faits, les adultes réagissent souvent avec sidération. La Ciivise note que beaucoup réduisent ces violences à de simples « jeux sexuels », renforçant le silence et la culpabilité des victimes. « Il n’y a pas, même entre enfants, de +jeux sexuels+ », insiste la commission, soulignant que ces actes impliquent toujours une contrainte ou un rapport de domination.

Anne-Hélène Moncany met en garde contre deux pièges : banaliser ces actes ou, à l’inverse, diaboliser des enfants très jeunes. « On ne parle pas de la même chose entre un enfant de 5 ans avec des comportements problématiques, et un adolescent de 17 ans. »

« Traumatismes précoces, une exposition à la sexualité ou à la pornographie. »

Que faire face à ce constat ? Le rapport à venir proposera une quarantaine de recommandations centrées sur la prévention. Pour Adrien Taquet, ancien secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, la société n’a pas encore créé les bons outils pour sensibiliser à cette problématique.

« Les professionnels doivent pouvoir repérer les signaux faibles, avoir une grammaire commune et être formés à ces réalités », affirme-t-il. Une constante se dégage chez les jeunes agresseurs : des traumatismes précoces, une exposition à la sexualité ou à la pornographie.

« Si on peut agir sur ces leviers en amont, on évite bien des drames », conclut Anne-Hélène Moncany.

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