Tania Gombert : “En tant que femme racisée, j’ai dû faire 400% de plus que les autres”

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Tania Gombert, fondatrice de l’association Cap métissage et autrice de l’ouvrage “Le monde est injuste, et alors ?”, se livre sur son parcours, de sa naissance à Madagascar à son arrivée en France, amenée à travailler dans les comités de direction de grandes compagnies d’assurance. Engagée en faveur du métissage et des femmes, Tania Gombert confie des anecdotes sur sa vie au micro de Cynthia Illouz, fondatrice de The Women’s Voices.

Comment se manifeste le fait d’être métisse lorsque l’on est une enfant ? Est-ce qu’on en souffre ?

On n’en a pas forcément conscience tout de suite. Pour ma part, j’ai grandi en France mais je suis née à Madagascar. Je suis arrivée en France à l’âge de 5 ans et j’ai découvert que j’étais noire parce que je n’étais pas comme mes autres petits camarades à l’école maternelle de la Meuse. J’ai commencé à fréquenter la communauté malgache vers mes 10-11 ans, et là je n’étais plus malgache. Pour eux j’étais sarthoise. C’est donc ça le métissage, c’est être entre 2 mondes. On se cherche, mais on voit qu’on n’a pas sa communauté. On se demande « Qui suis-je ? Où vais-je ? Quelle est ma communauté ? »

De dirigeante dans les assurances à présidente de l’association Cap métissage… J’ai enfilé plusieurs casquettes. C’est peut-être aussi là mon métissage : c’est de pouvoir avoir l’ensemble de ces casquettes là.

D’où vous est venue l’idée de votre association Cap métissage ?

Cap métissage c’est d’abord une histoire familiale. Un jour ma petite est rentrée à la maison, elle avait 4 ans. En revenant de l’école, elle me dit « Maman, je suis antillaise ». Je lui demande « Pourquoi ma chérie ? » et elle m’explique « J’ai la même couleur que ma copine, qui est antillaise ». Cette copine était métisse comme elle. Elle avait la même couleur de peau que sa copine, et ensemble, toutes les trois on a commencé à parler du métissage. C’est comme ça qu’est né Cap métissage.

J’ai voulu créer cette communauté positive où on est fiers des mélanges. Mais ce n’était pas tout de suite une association. C’était vraiment un jeu avec mes filles et leurs copines. Nous avons fait un petit blog où on a raconté nos histoires et comment on voyait le métissage. Au fil du temps, c’est devenu quelque chose de sérieux. Je me suis retrouvée invitée à une conférence avec des généticiens. Nous avons énormément parlé du métissage et ils m’ont suggéré de faire de Cap métissage une association, qui rassemble aujourd’hui près de 200 membres.

Que partagez vous et quelle est la mission de cette association ?

On parle de différents sujets autour du métissage. Il y a certaines questions fréquentes qui reviennent comme les cheveux par exemple. Souvent revient la difficulté de s’occuper de cheveux texturés. Nous allons aussi expliquer la qualification des couleurs de peau et leur origine. Il y a également tout un sujet autour des couples mixtes et du mélange des cultures, etc.

Sur des sujets plus sérieux on aborde la solitude, l’identité et la mixité socioculturelle. Nous organisons notamment les « métisse talk » qui ont lieu une fois par mois. On tente de répondre aux questions des 9% de français de 18 à 65 ans qui se déclarent être métisses.

Vous avez intitulé votre ouvrage « Le monde est injuste, et alors ? ». Pourquoi ce titre ?

Tentez de faire de votre vie ce que vous avez envie d’en faire. C’est le message. Le titre du livre est en référence au fait que j’ai « tiré le gros lot » : je suis née femme, je suis née racisée et dans l’un des pays les plus pauvres au monde : Madagascar.

Pour autant, avant mes 30 ans, j’étais dans un comité de direction d’une grande compagnie d’assurance. Que s’est-il passé depuis ma naissance dans cette cabane de Madagascar à ce comité de direction ? J’avais cette étrange sensation, la même rage que j’ai ressenti à mes 40 ans, celle que je dois faire 400% de plus que les autres, car je suis une femme noire et que je dois encore plus me faire entendre.

Dans mon livre, j’explique ce lourd privilège qu’ont les femmes de pouvoir enfanter. Un privilège qui fait que nos corps ont été aliénés par les hommes en devenant l’objet d’un désir de possession.

Dans cet ouvrage je parle également des théories de sociologues comme Pierre Bourdieu qui parle de reproduction sociale. Je parle aussi d’Amel Bent qui a écrit « Ma philosophie » et qui parle de métissage, etc…

#5000VOICES est une initiative rendue possible grâce à nos partenaires EngieAccor, La Fondation RAJA, Aurel BGC, Veolia et Mastercard.

Retrouvez l’intégralité de l’interview en podcast sur SoundCloud :

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