L’ égalité femmes-hommes sous l’ère Macron

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Anne-Marie Rocco, auteure et journaliste et Patricia Chapelotte, directrice d’une agence de communication, ont coécrit l’ouvrage “Égalité Femmes-Hommes, une Grande Cause, et après ?”

Après avoir tenu un blog féministe pendant 10 ans, Anne-Marie Rocco a créé la verticale “Femmes” sur le site du magazine Challenges, dédiée à l’empowerment au féminin. Patricia Chapelotte a de son côté fondé le Prix de la Femme d’Influence, qui récompense chaque année des femmes incarnant une réussite dans des domaines distincts.

L’égalité femmes/hommes a été déclarée “grande cause” du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Anne-Marie Rocco et Patricia Chapelotte ont réalisé un bilan de cet axe défini comme prioritaire par le président en donnant notamment la parole à des femmes emblématiques sur leurs expertises. Particulièrement bien documenté, cet ouvrage publié chez Eyrolles, retrace en détail les mesures phares du quinquennat en matière d’égalité. Il donne un large panorama des avancées, mais aussi du travail restant à parcourir.

Rencontre avec Anne-Marie Rocco pour mieux comprendre les enjeux de l’égalité.

Quel bilan tirez-vous de cette grande cause ?

Le sujet a avancé dans le domaine économique au travers de quelques lois importantes, comme l’instauration de l’index d’égalité salariale, intégré dans une loi pilotée par Muriel Pénicaud, ancienne ministre du travail, ou encore la loi Rixain qui traite de la parité dans les instances dirigeantes des grandes entreprises.

Dans le domaine sociétal, concernant le sujet des violences faites aux femmes, on a aussi constaté des avancées. La plateforme d’appel spécialisée 3919 a été créée, ainsi que des bracelets anti-rapprochement qui permettent d’éviter que des conjoints violents, dont l’éloignement a été prononcé par un juge, reviennent.

Il y avait sur ces sujets de gros espoirs, qui n’ont pas été satisfaits, en particulier sur les moyens mis en œuvre au service de cette cause. De nombreuses associations demandent à la France de faire un effort sur le plan financier aussi important que celui de l’Espagne, qui a accordé un budget d’1 milliard d’euros pour la lutte contre les violences faites aux femmes. La demande avait été portée, en vain, par la députée européenne Irène Tolleret. S’il faut faire quelque chose de plus dans le prochain quinquennat, ça serait cela.

Vous avez traité de thématiques moins médiatiques comme la place des femmes dans l’agriculture ou la fonction publique, pourquoi ce choix ?

Quand on pense à l’égalité professionnelle, on pense souvent aux entreprises classiques, mais peu aux exploitations agricoles, qui sont aussi des entreprises, et où la problématique de l’égalité femmes/hommes est tout aussi importante, sinon plus. Nous avons eu l’idée de solliciter Christiane Lambert, présidente de la FNSEA qui est une personnalité étonnante et battante.  Sa voix mérite d’être entendue. Elle s’est également confiée sur son arrivée à la tête de sa fédération agricole.

Nous nous sommes tournées vers le sujet de la fonction publique, après avoir fait le constat que beaucoup de réseaux féminins émanent de ce domaine. Administration moderne est l’un des premiers réseaux féminins. Nous avons constaté en comparant les études utilisées pour notre livre, que l’Etat ne donne pas l’exemple en termes d’égalité. Le problème du sexisme est aussi présent, voire plus, dans les institutions de l’Etat que dans certaines entreprises. Il nous a donc semblé légitime d’intégrer la fonction publique dans notre ouvrage.

Comment abordez-vous la représentation des femmes dans les médias  ?

Il s’agit d’une question centrale concernant la situation des femmes. Dans les médias, les femmes ne sont pas représentées de la même manière que les hommes. Cette différence a été particulièrement visible au moment de la crise du Covid. Les droits des femmes ont reculé à ce moment-là. Les femmes ont dû revenir à la maison et c’est sur elles que reposait la charge de faire travailler les enfants, tout en continuant leurs propres tâches professionnelles .

Alors même que les femmes étaient au premier rang face à la crise, elles ont perdu le droit à la parole. Les experts sont redevenus presque à 100% des hommes. Les médias cherchaient des professeurs de médecine et les femmes ne représentent que 18%. L’une des rares femmes que l’on voyait, Karine Lacombe, a été choisie comme grand témoin de la place des femmes dans les sciences dans ce livre.

La question est aussi de savoir si on doit représenter la société telle qu’elle est, ou la montrer telle qu’elle devrait être. Nous ne tranchons pas, même si nous voulons être un peu volontariste, on ne peut pas tordre le cou aux réalités.

Les questions des femmes dans les sciences et des femmes dans l’art émergent depuis quelques temps, comment avez-vous abordé ces sujets ?

En ce qui concerne le domaine de la culture plus largement, c’est un secteur dominé par les hommes. On peut accorder au gouvernement sous Emmanuel Macron d’avoir eu une politique de nomination favorable aux femmes. Dans ce chapitre, notre grand témoin est la nouvelle présidente du musée du Louvre, Laurence Des Cars. Elle sait qu’on s’attend à ce qu’elle mette en valeur la part des femmes dans le monde de la création artistique, suite à sa nomination. Le musée du Louvre s’étend sur une période très longue de l’Histoire, et on ne peut pas inventer des choses qui n’ont pas existées. Le changement est plus simple sur des œuvres plus modernes. C’est la première fois qu’une femme est nommée à ce poste, et sa nomination a eu un énorme retentissement dans le monde.

Le domaine des sciences est un sujet d’actualité difficile. Si on prend l’exemple de l’informatique et du numérique, on s’aperçoit que malgré des périodes où de nombreuses femmes étaient actives dans ce domaine, il y a eu du recul.

La cause des femmes n’avance pas de façon linéaire, ce qui rend le sujet encore plus difficile.

Christine Lagarde, qui a écrit la préface du livre, était la première femme à diriger un cabinet d’avocat aux Etats-Unis et la première femme à Bercy, elle est également la première femme au FMI et à la Banque centrale européenne.

Lors de l’écriture de ce livre, avez-vous fait des découvertes qui vous ont surprise ?

Nous avons découvert une très belle personnalité avec Brigitte Henriques, une ancienne footballeuse qui a été nommée présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Nous avons réalisé qu’elle avait été confrontée aux mêmes problèmes que ceux rencontrés dans le monde de l’économie, mais avec encore plus de violences sexistes. C’est un domaine que je connaissais peu et où j’ai découvert des inégalités encore plus importantes que dans le domaine économique.

Quels sont les éléments qui sont pour vous essentiels à un prochain quinquennat en faveur de l’égalité femmes/hommes ?

C’est très difficile de choisir.

Il faut pousser les jeunes filles vers le domaine scientifique car elles ne sont pas assez nombreuses, et leur nombre a même diminué ces dernières années. Nous sommes en train de concevoir un monde numérique conçu par des hommes. Les femmes n’ont plus leur place et c’est vraiment une urgence de la rétablir.

Il faudrait transformer l’enseignement en introduisant un enseignement moins sexiste, qui ne mettrait pas tout de suite les filles à part et qui leur permettrait d’intégrer plus facilement le domaine scientifique. L’égalité doit être mise au cœur des programmes scolaires dès le plus jeune âge.

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