Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) tire la sonnette d’alarme : la proportion de femmes réalisatrices dans le cinéma français a atteint en 2024 son point le plus bas en cinq ans, confirmant une tendance à la baisse. Selon les données publiées mercredi, seuls 62 films d’initiative française ont été réalisés ou coréalisés par des femmes, contre 64 en 2023 et 69 en 2022.
Cette diminution porte à 24,2 % la part des réalisatrices dans la production cinématographique française — une proportion inférieure à un film sur quatre, et la plus faible depuis 2019. Pour le CNC, il s’agit d’un “signal inquiétant” qui menace les avancées récentes obtenues en matière de parité dans le secteur.
Les données de l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes du CNC confirment également une forte masculinisation des postes stratégiques :
🔹 près de 70 % des films sortis en 2024 ont été pilotés par une équipe composée à plus de 60 % d’hommes aux postes clés
🔹 8 productions ont été réalisées exclusivement par des hommes
Cette architecture hiérarchique reste l’obstacle majeur à l’accès des réalisatrices aux métiers de direction.
Des femmes qui recrutent plus de femmes : une dynamique positive mais insuffisante
L’autrice principale de l’étude, Cécile Lacoue, souligne pourtant un phénomène encourageant : les femmes réalisatrices « donnent davantage de postes clés à d’autres femmes ». Une « forte corrélation » qui prouve que la parité a un effet multiplicateur dès qu’elle s’installe derrière la caméra.
Mais cette dynamique reste encore minoritaire, faute d’un nombre suffisant de réalisatrices aux commandes. Pour Cécile Lacoue, la baisse de 2024 est un « signal inquiétant » qui montre qu’il faut « être vigilants » pour éviter un retour en arrière durable.
Le président du CNC, Gaëtan Bruel, partage ce diagnostic. Il rappelle que le bonus parité instauré en 2019 a bien eu un effet positif dans un premier temps, mais que « les chiffres stagnent aujourd’hui ».
👉 « Il est temps de renouveler les outils, car ceux que nous avons mis en place s’essoufflent », a-t-il insisté.
Le CNC envisage désormais d’autres leviers : renforcement des critères de financement, obligations plus strictes pour les productions aidées, soutien accru aux premières réalisations féminines ou encore suivi statistique plus serré des équipes techniques et artistiques.
Contraste frappant avec l’audiovisuel, où les femmes progressent fortement
Si le cinéma stagne, l’audiovisuel en revanche affiche une progression spectaculaire. En 2024 :
-
44,1 % des programmes audiovisuels (hors feuilletons et formats courts) ont été écrits par des femmes
-
40,5 % ont été réalisés par des femmes
Pour Gaëtan Bruel, cette dynamique prouve que « quand un écosystème joue le jeu, les choses peuvent bouger très vite ». L’audiovisuel, davantage industrialisé et plus sensible aux politiques de diversité, semble avoir intégré plus rapidement les normes de parité, contrairement au cinéma d’auteur, où se maintient un modèle pyramidal longtemps dominé par les hommes.
Les expertes du secteur rappellent que la représentativité derrière la caméra influe directement sur la représentation à l’écran : diversité des récits, personnages féminins mieux écrits, pluralité des points de vue, émergence de nouvelles esthétiques. Le CNC estime ainsi qu’améliorer la parité à la réalisation est un investissement culturel majeur pour l’avenir du cinéma français.
L’enjeu est d’autant plus crucial que la baisse de 2024 intervient malgré une mobilisation croissante des festivals, écoles et institutions pour promouvoir les réalisatrices. Le CNC espère que son alerte conduira à une réforme renforcée des outils de parité dès 2026.
Illustration: Image non libre de droit @thewomensvoices
