Célébrée par un festival en pleine expansion, Katell Quillévéré a brillé dimanche en remportant le premier prix au Festival du Film Francophone d’Angoulême pour son film “Le temps d’aimer”. Cette épopée historique et sentimentale plonge dans le parcours d’une femme tondue lors de la Libération de la France en 1947 et marque un tournant dlans la carrière de la cinéaste, déjà reconnue par ses pairs.
Une spécialiste des histoires “souterraines”
À 43 ans, pas totalement inconnue mais pas encore sous les projecteurs, Quillévéré est une cinéaste des émotions et des récits cachés. Elle avait déjà connu des succès significatifs avec ses précédentes réalisations. “Suzanne”, une histoire d’amour dévorante avec Adèle Haenel et Sara Forestier, avait attiré 300 000 spectateurs dans les salles obscures en 2013. S’en est suivi le succès de son film “Réparer les vivants”, sorti en 2016 et fruit d’une adaptation du best-seller de Maylis de Kerangal dépeignant une transplantation cardiaque rapide.
À chaque fois, elle co-écrit les scénarios pour ce qu’elle appelle les “histoires souterraines”, récits souvent inspirés de la réalité, et la plupart du temps, méconnus. Cet esprit était évident en 2022 lorsqu’elle a collaboré avec Hélier Cisterne sur la série Arte “Le monde de demain”, qui relate la naissance du hip-hop français. “Le temps d’aimer” suit ce fil conducteur thématique.
Un récit familial
Petite-fille d’une française de 17 ans ayant eu un enfant avec un soldat allemand de la Wehrmacht pendant la seconde guerre mondiale, Katell Quillévéré a tenu a dresser, via le parcours singulier d’une femme, le visage de l’Hexagone à la libération. Ainsi, Madeleine, interprétée par Anaïs Demoustier, campe le rôle d’une serveuse dans un hôtel-restaurant, situé sur une plage normande à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Mère d’un jeune garçon, elle croise le chemin de François, ici joué par Vincent Lacoste, un riche étudiant, cultivé et énigmatique qui lui offrira l’échappatoire de sa propre histoire. L’amour s’enflamme instantanément, liant leurs destins. Les deux forment rapidement un lien profond.
Pour Madeleine, cette union représente l’occasion d’échapper aux horreurs de la guerre et, surtout, de surmonter sa relation avec un soldat allemand, qui a donné naissance à un fils prénommé Daniel. Tondue et chassée de chez elle, Madeleine est une femme marquée et blessée. Le film, fruit de plusieurs années de travail méticuleux, a d’abord été présenté hors compétition au Festival de Cannes en mai. “C’est une histoire qui est restée cachée pendant très longtemps”, a partagé la cinéaste avec l’AFP en mai. “Quand la vérité a finalement émergé, j’ai voulu faire ce film.”
Un triomphe populaire
Le Festival d’Angoulême, avec Laetitia Casta en présidente du jury n’a pas manqué de rassembler un large audience cette année encore. Malgré la chaleur étouffante, 58 000 personnes se sont rendues dans les salles, contre 52 000 en 2022. Le public est captivé par cet événement public et son pass, qui, moyennant un modeste prix, offre la possibilité de visionner une série de films encore non sortis en salle. Les stars savourent également le succès, ravies de voir leurs films interagir avec un public authentique. Angoulême ne possède pas le tapis rouge et le glamour de Cannes, mais cette année a vu la présence de Diane Kruger, Fanny Ardant, Karin Viard, Benjamin Biolay et Mathieu Kassovitz.
Le co-fondateur Dominique Besnehard a expliqué à l’AFP qu’il souhaitait créer “un lien avec Cannes tout en restant un festival exploratoire”. Il a rappelé qu’Angoulême avait été le premier à projeter “Intouchables” en 2011, un énorme succès du cinéma français avec près de 20 millions d’entrées. Dans ce contexte, Katell Quillévéré brille en tant que cinéaste dotée du talent de dévoiler les émotions et les histoires enfouies sous la surface. Son dernier triomphe avec “Le temps d’aimer” au Festival du Film d’Angoulême marque le prochain chapitre de son parcours, laissant entrevoir une reconnaissance et un succès encore plus grands.