Le marché de l’art vit un moment historique : un autoportrait de Frida Kahlo, intitulé Le rêve (La chambre), a été adjugé 54,66 millions de dollars par Sotheby’s à New York, devenant le tableau le plus cher peint par une femme. Ce record dépasse largement celui de Georgia O’Keeffe, dont Jimson Weed / White Flower No.1 s’était vendu 44,4 millions de dollars en 2014.
Peinte en 1940, l’œuvre remonte à une période décisive de la vie de l’artiste mexicaine, marquée par sa relation intense et tumultueuse avec Diego Rivera. Sotheby’s souligne que cette décennie fut l’une des plus productives et symboliquement fortes de la carrière de Kahlo.
Le rêve (La chambre) présente l’artiste dormant dans un lit suspendu dans le ciel, sur lequel flotte un immense squelette entouré de bâtons de dynamite — une iconographie mêlant symbolisme mexicain, surréalisme européen et métaphores autobiographiques, expliquée par Anna Di Stasi, spécialiste de l’art latino-américain chez Sotheby’s.
Un détail fascinant : ce squelette n’est pas que fiction. Frida Kahlo possédait réellement un grand squelette en papier mâché suspendu au-dessus de son lit, symbole de la présence constante de la douleur et de la mort dans sa vie. L’artiste, décédée en 1954 à 47 ans, a toujours représenté sa souffrance physique — poliomyélite, accident de bus, opérations répétées — comme un matériau artistique central.
Le nom de l’acheteur n’a pas été révélé, comme c’est souvent le cas dans les acquisitions record.
Un marché dominé par les hommes : Frida Kahlo fissure enfin le plafond de verre
Ce record intervient dans un marché de l’art encore largement dominé par les artistes masculins. Sur les 162 œuvres vendues plus de 50 millions de dollars, aucune n’était jusqu’à présent signée par une femme. Et sur les 468 œuvres dépassant 30 millions, seulement quatre sont l’œuvre de femmes — soit moins de 1 % du total.
Frida Kahlo rejoint ainsi un cercle extrêmement restreint d’artistes femmes ayant atteint des prix exceptionnels. Parmi les autres records féminins :
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Georgia O’Keeffe – Jimson Weed / White Flower No.1 (44,4 M$, 2014)
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Louise Bourgeois – Araignée (32,5 M$, 2023)
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Frida Kahlo – Diego y yo (34,9 M$, 2021)
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Tamara de Lempicka – Portrait de Marjorie Ferry (21,2 M$, 2020)
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Joan Mitchell – Blueberry (16,6 M$, 2018)
Les artistes classiques restent particulièrement sous-représentées. Les très rares records incluent Après le déjeuner de Berthe Morisot (10,9 M$, 2013) ou encore Lucrèce d’Artemisia Gentileschi (4,8 M€, 2019).
Un contexte de ventes record chez Sotheby’s : Klimt propulse les enchères vers de nouveaux sommets
Cette vente exceptionnelle intervient la même semaine qu’un autre moment marquant : mardi, un portrait peint par Gustav Klimt, vendu 236,4 millions de dollars, est devenu la deuxième œuvre la plus chère jamais adjugée aux enchères — juste derrière le Salvator Mundi attribué à Léonard de Vinci (450 M$, 2017).
Ces deux ventes confirment la dynamique spectaculaire du marché de l’art haut de gamme, tirée par une demande internationale et un intérêt croissant pour les chefs-d’œuvre modernistes et expressionnistes.
Pour Anna Di Stasi, l’envolée du tableau de Kahlo est aussi un symbole : « Frida Kahlo n’a jamais cessé de toucher les générations. Aujourd’hui, elle trouve enfin la reconnaissance financière que son œuvre mérite. »
