Sandrine Delage : "J’ai vu le nombre de femmes diminuer dans la tech"

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Sandrine Delage

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Passionnée par la Tech depuis le début de sa carrière, Sandrine Delage, responsable d’un pôle « Change Makers & Prospective » au sein de BNP Paribas, a co-fondé « Women & Girls in Tech »pour orienter au mieux les femmes dans les métiers du numérique. Elle qui n’a pas toujours su donner de la voix est aujourd’hui fière de montrer qu’il ne faut pas hésiter à s’affirmer. Rencontre.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?

J’ai débuté ma carrière dans les années 90 dans le domaine de l’IT. L’univers des Technologies ne m’a plus jamais quittée : aujourd’hui, je suis responsable d’un pôle « Change Makers & Prospective » au sein de BNP Paribas. Nous avons conçu notamment un programme d’intrapreneuriat à impact où l’on apprend les méthodologies de type start-up et les enjeux liés à la Transition sociétale et environnementale. Au fil de mes expériences, j’ai vu le nombre de femmes diminuer progressivement dans les métiers technologiques. Je me suis alors engagée personnellement et professionnellement en cocréant le collectif « Women & Girls in Tech » avec les associations Simplon et Digital Ladies & Allies. Nous voulons insuffler l’envie, en partageant notre passion de la Tech dans ce qu’elle peut apporter de mieux, tout en facilitant la mise en relation avec les équipes RH pour le lien vers l’emploi.

Quelle est la particularité de votre domaine d’activité ?

L’envie d’innover avec des solutions concrètes et utiles pour les bénéficiaires, qui ont du sens pour la planète et la société. Dans mon pôle, nous sommes des explorateurs et exploratrices « veilleurs », curieux et curieuses, qui aimons ester et apprendre sans cesse pour faire et transmettre au plus grand nombre. Des « Change Makers » !

De quoi êtes-vous le plus fière professionnellement ?

D’animer des communautés de personnes engagées que ce soit en interne ou en externe de mon entreprise, sur l’intrapreneuriat et la mixité des métiers du numérique. J’ai commencé sans méthode juste avec l’envie d’agir à plusieurs. C’est extrêmement ressourçant et valorisant de « vivre » l’intelligence collective avec des résultats un peu magiques que l’on n’imaginait pas du tout au départ. C’est aussi une énergie chronophage mais j’ai l’impression d’agir vraiment sur le cœur du changement : le lien humain.

Sandrine Delage lors de l’événement The Good Galaxy , 2019
Quel a été votre plus grand échec et quelle leçon en avez-vous tirée ?

J’avais été identifiée pour coordonner un projet transverse sur la transformation numérique et j’ai été refusée parce que « trop Tech ». Je n’avais pas de « voix » en fait. Je me cachais derrière l’opérationnel. Cela a été un chemin long avec une participation à un programme d’intrapreneuriat où j’ai découvert le fameux « pitch » pour parler de moi et de ce qui m’animait vraiment. C’est assez récent finalement : 8 ans !

Quel conseil donneriez à une jeune femme qui arrive en entreprise ?

Dans le programme d’intrapreneuriat dont je m’occupe, il y a un module « La cartographie des Alliés ». Au-delà de votre équipe de proximité, il y a des personnes ou des réseaux qui vous aideront à grandir, apprendre, évoluer que ce soit en interne ou en externe de l’entreprise. N’hésitez pas à ouvrir les boites et à rencontrer des personnes qui peuvent sembler loin de votre périmètre direct.
Je pourrais donner le même message pour des personnes de tout âge. C’est ma recette pour me sentir utile et motivée tous les matins et j’avoue que j’ai oublié mon âge 😊

Qu’est-ce qui vous motive le plus et pourquoi ?

Depuis 10 ans, je ressens un besoin d’injustice que rien ne comble. Le numérique est accessible pour toutes et tous et est un véritable levier d’opportunités de métiers créatifs et bien rémunérés, avec des rencontres épanouissantes. Or la porte ne s’ouvre pas à cause de stéréotypes : l’âge, le genre, les diplômes, les origines culturelles et sociales. Travaillant dans une grande entreprise, j’ai des moyens d’agir avec des leviers que d’autres n’ont pas forcément. Cette responsabilité est un moteur qui m’habite tous les jours. Je poursuis mon engagement le soir avec une newsletter régulière #WomenInTech sur mon blog « Mère et Fille 2.0 ».

Quelle est votre devise ?

Il y a plusieurs citations qui m’accompagnent. J’aime particulièrement celle de JK Rowling : « Nous n’avons pas besoin de magie pour transformer notre monde. Nous portons déjà tout le pouvoir dont nous avons besoin à l’intérieur de nous. ». Venant de celle qui a créé la saga Harry Potter, cette phrase est particulièrement puissante et agit comme un sort magique finalement !

Parlez-nous de 3 femmes dont les voix devraient être plus entendues ?

Trois tisseuses de liens :
Caroline Loiseul qui explore les énergies et les polarités du féminin et du masculin avec son podcast « Sur l’oreiller ». J’aime sa bienveillance et sa malice dans le questionnement qu’elle s’adresse aussi à elle-même.
Perrine Grua et son podcast Canary Call dédié aux gens qui font la transition écologique et solidaire des entreprises. Perrine crée des liens incroyablement forts avec chacune des personnes qu’elle interview tout en tissant une communauté collective agissante
Sandy Beky, membre du réseau Digital Ladies & Allies, co-fondatrice de l’association « HeHop », Help for Hope, qui combat les violences faites aux femmes au travers d’une app qui collecte facilement des preuves de faits de violence.
Sandy est pour moi une personne rare dont le regard bienveillant aide les autres à se dépasser.

Avez-vous déjà subi ou observé du sexisme dans votre travail ?

Ayant évité des situations traumatisantes, j’aurais répondu que je n’avais pas subi de sexisme avant la vague de #MeToo. En revisitant mes années professionnelles, je me suis rendue compte que le sexisme avait été présent de nombreuses années : je l’avais accepté et intériorisé tellement il est banalisé et intégré à tous les âges de la vie des femmes. Aujourd’hui, on ne peut qu’ouvrir les yeux et agir ensemble, femmes et hommes pour échapper à cette culture qui est partout et qui nous enferme. Les derniers chiffres du Haut Conseil de l’égalité montrent à quel point nous en sommes toutes et tous encore victimes presque sans le savoir. Nous avons collectivement ce super pouvoir d’y faire face et d’écrire une autre histoire.

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