Procès Bobigny : 50 ans après

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La rédaction

En automne 1972, les féministes du Mouvement de libération des femmes (MLF) et l’avocate Gisèle Halimi ont fait de l’affaire Marie-Claire (une jeune fille mineure poursuivie à la suite d’un avortement clandestin, après avoir été violée), un combat contre la prohibition de l’IVG en France.

L’ ancêtre de #MeToo

Selon la féministe avant-gardiste Bibia Pavard, Mme Halimi et la MLF ont réussi « à proposer un cadrage qui n’est pas du fait divers mais le procès politique de la loi qu’il faut changer. Une loi injuste, désuète. On arrive à imposer l’idée d’un moment crucial pour le droit à l’avortement libre ».

L’affaire qui passait inaperçue s’est retrouvée sous les projecteurs du jour au lendemain. Le procès Bobigny anime une mobilisation plus qu’importante en faveur de la lutte pour le droit à l’IVG. Ce combat qui mobilisait de plus en plus de personnes à sa cause avait commencé il y a déjà quelques années dans la société française.

L’année précédant le procès, Catherine Deneuve, Françoise Fabian ou encore Marguerite Duras, ainsi que 343 femmes ont signé une déclaration publiée dans le Nouvel Observateur, où elles révèlent aux yeux de tous avoir avorté.

Dans cette atmosphère, les inégalités sociales d’accès à l’avortement sont mises en avant. À l’époque, les femmes les plus riches avaient la possibilité de partir se faire avorter légalement à l’étranger, tandis que les femmes du milieu populaire telles que Marie-Claire, n’ont pas les ressources nécessaires et risquent un avortement clandestin en France.

Bibia Pavard associe le procès Bobigny, au mouvement #MeToo. Ces deux mouvements sont de grandes étapes dans la libération de la femme.

La présidente de l’association Choisir la cause des femmes, Violaine Lucas pointe qu’à la suite du jugement de l’affaire Marie-Claire, “il y a eu une jurisprudence et plus personne ne pouvait inquiéter une femme qui aurait pratiqué un avortement clandestin ou pour avoir subi un avortement, c’est une conséquence légale très importante”. Elle ajoute qu’”Ensuite, ça a ouvert la voie à la loi de 1975 de Simone Veil. Giscard d’Estaing se rend bien compte que la société est prête à ce changement ».

Un témoignage inédit

Claudine Monteil, jeune militante féministe en 1972, lors du procès de Bobigny, était une des membres du groupe MLF. Elle a assisté à la préparation ainsi qu’à l’audience de l’intérieur de ce procès. 

Elle décrit cette affaire comme le “procès de l’injustice, le procès d’une femme d’un milieu défavorisé qui ne peut pas aller en Angleterre ou en Suède pour avoir un avortement dans les meilleures conditions”.

Toujours à l’automne 1972, les militantes manifestent à l’heure de pointe, place de l’Opéra afin de faire entendre à tous, pour dénoncer les injustices dont Marie-Claire et sa mère sont victimes. Le mouvement pacifiste fut brutalement écrasé par les forces de l’ordre.

Le jour de l’audience correctionnelle, les manifestations continuent. Mme Monteil s’est vue offrir l’opportunité d’assister au procès grâce à un jeune policier. “Il me dit allez-y, entrez discrètement, ce n’est pas parce que nous sommes face à vous que nous sommes contre vous+. Puis il me murmure : nous aussi on a des femmes dans notre vie.” .

Ce procès fut le premier de la vie de la jeune féministe. « Que des hommes », décrit-elle, une ambiance lourde et pesante.  “J’avais l’impression qu’elle allait s’évanouir de terreur”, pointa-t-elle lorsqu’elle se confiait au sujet de la femme ayant pratiqué l’avortement.

Photo: L’avocate Gisèle Halimi, en compagnie de l’actrice Delphine Seyrig, 11 octobre 1972 à Bobigny, lors du procès de Marie-Claire Chevalier, poursuivie pour avoir avorté. AFP PHOTO MICHEL CLEMENT (Photo by MICHEL CLEMENT and – / AFP)

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