Treize condamnations à Toulouse dans une affaire de prostitution d’adolescentes : 14 ans de prison pour le chef du réseau

AccueilNewsTreize condamnations à Toulouse dans une affaire de prostitution d’adolescentes : 14...

Loïs Boumal

#5000VOICES
06123456789

Le tribunal correctionnel de Toulouse a condamné treize membres d’un réseau de prostitution de mineures, dont le chef, qui opérait depuis sa cellule. Les adolescentes, âgées de 14 à 16 ans, étaient pour la plupart suivies par l’Aide sociale à l’enfance.

Un réseau organisé depuis la prison

Vendredi, le tribunal correctionnel de Toulouse a rendu son jugement : treize membres d’un vaste réseau de prostitution ont été condamnés. Le principal prévenu, Olivier Habchi Hamadouche, surnommé Mowgli, a écopé de 14 ans de prison et de 50.000 euros d’amende, assortis d’indemnités à verser aux victimes pour préjudice moral.

Âgé de 29 ans, déjà condamné à 25 ans de réclusion criminelle pour enlèvement et séquestration suivis de mort, il dirigeait ce réseau depuis sa cellule de la prison de Béziers, où il avait mis en place un système bien rodé. Les douze autres membres du réseau, pour la plupart âgés d’une vingtaine d’années, ont reçu des peines allant de deux à six ans d’emprisonnement, selon leur degré d’implication. L’un des quatorze prévenus a été relaxé, tandis que huit mineurs seront jugés ultérieurement par le tribunal pour enfants.

Les proxénètes avaient organisé des déplacements de jeunes filles à Paris, en Suisse et en Belgique, afin de tirer profit de législations jugées plus favorables à leurs activités. Selon les enquêteurs, Mowgli se serait enrichi d’au moins 100.000 euros entre juillet 2023 et janvier 2024. « Mettez-moi une peine, je la mérite. Mais je ne mérite pas vingt ans », avait déclaré le prévenu lors de sa dernière prise de parole, après que le procureur avait requis le maximum de vingt ans de prison en récidive.

Des adolescentes “polytraumatisées”

Le réseau, démantelé par les gendarmes de la section de recherche de Toulouse, exploitait au moins dix jeunes filles, dont quatre se sont constituées partie civile. Certaines recevaient jusqu’à 30 clients par jour. « Ces jeunes filles n’ont jamais perdu leur dignité. On a fini la première étape. Elles sont reconnues victimes et c’était très important qu’elles le soient, pour qu’elles puissent ensuite le comprendre », a souligné Me Tabatha Merlateau, avocate d’une victime.

Le procureur Tristan Lamouille a décrit des adolescentes « en difficulté psychologique » issues de parcours chaotiques, des victimes « polytraumatisées ». « La responsabilité des uns et des autres a été reconnue. C’est une décision un peu du milieu. Car on aurait envie de dire que pour des faits aussi graves, aucune peine n’est suffisante », a déclaré Me Jonathan Bomstain, avocat de partie civile. Une des victimes, âgée de 15 ans, a affirmé avoir été séquestrée après avoir tenté de fuir le réseau. L’enquêtrice de la gendarmerie a évoqué « des jeunes filles dans la précarité émotionnelle, sociale, psychologique ».

“Le proxénétisme, c’est de l’amour” : un cynisme glaçant

Durant le procès, plusieurs membres du réseau, y compris son chef, ont nié toute forme de contrainte. « Franchement ça m’a plu, c’était comme une entreprise », a déclaré Mowgli à la barre. « Je suis un commercial. Le proxénétisme, c’est de l’amour, les personnes étaient consentantes. La femme est payée, ce n’est pas un viol. Vous voulez me faire passer pour un monstre. »

Des propos glaçants, alors que le tribunal a rappelé la vulnérabilité des victimes, âgées de 14 à 16 ans et souvent placées par l’ASE. Me Guillaume Léguevaques, avocat de partie civile, a salué un verdict qui marque une étape : « Il est nécessaire de poursuivre l’effort judiciaire afin que chacun prenne la mesure de ce que subissent les victimes, en particulier lorsqu’elles sont jeunes et vulnérables. »

Un phénomène en expansion

Le procureur a rappelé que des dossiers similaires se multiplient : plus de 80 prénoms d’adolescentes âgées de 12 à 17 ans figurent déjà dans d’autres procédures en région toulousaine. En France, l’exploitation sexuelle des mineures est en pleine expansion. Les associations estiment que 15.000 à 20.000 jeunes, majoritairement des filles, se prostituent aujourd’hui sur le territoire.

Cette affaire, qui illustre la sophistication des réseaux et la fragilité des jeunes victimes, rappelle l’urgence de renforcer la protection des mineures et la lutte contre les proxénètes, y compris derrière les barreaux.

Lire aussi : Procès en appel de Mazan : Husamettin Dogan condamné à 10 ans de prison pour viol sur Gisèle Pelicot

Découvrez aussi