YouPorn, Pornhub, Redtube… Le groupe Aylo suspend ce mercredi l’accès à ses sites pornographiques en France pour protester contre la loi sur la vérification de l’âge.
YouPorn, Pornhub, Redtube : coupure volontaire en France
Ce mercredi après-midi, les internautes français cherchant à accéder à YouPorn, Pornhub ou Redtube tomberont sur une page de protestation ornée du célèbre tableau La Liberté guidant le peuple. Aylo, maison mère de ces plateformes, suspend leur accès en France pour dénoncer les nouvelles obligations légales de vérification de l’âge.
« Nous avons pris la décision difficile de suspendre l’accès à nos sites en France dès demain après-midi et d’utiliser nos plateformes pour nous adresser directement au public français », a déclaré mardi Alex Kekesi, vice-présidente de la communauté et de la marque chez Aylo, lors d’une conférence de presse en ligne.
Depuis mars, les sites pornographiques, qu’ils soient basés dans ou hors de l’Union européenne, sont tenus par la loi française de mettre en place un système de vérification de la majorité, comme l’envoi d’un document d’identité, tout en garantissant le « double anonymat ». Faute de quoi, ils risquent des sanctions allant jusqu’au blocage.
Aylo, qui revendique sept millions de visiteurs quotidiens sur ses plateformes, juge les mesures françaises inadaptées et milite pour une vérification à l’échelle des appareils : « Google, Apple et Microsoft, ont tous la capacité de vérifier l’âge de l’utilisateur au niveau du système d’exploitation ou de l’appareil, et de fournir une information sur l’âge à tout site ou application », a affirmé Solomon Friedman, du fonds Ethical Capital Partners, propriétaire d’Aylo.
« Les mesures mises en place par le gouvernement français sont déraisonnables, disproportionnées et inefficaces », a-t-il ajouté.
La riposte du gouvernement n’a pas tardé. Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a défendu la loi : « Demander aux sites de vérifier l’âge, ce n’est pas stigmatiser les adultes mais juste protéger nos enfants. Si Aylo préfère sortir de la France que d’appliquer notre loi, libre à eux. »
La ministre Aurore Bergé, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, s’est également exprimée : « Pornhub, YouPorn et Redtube refusent de se conformer à notre cadre légal et décident de partir. Tant mieux ! Il y aura moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs en France. Au revoir. »
« Quand la pornographie était un problème dans ma vie… »
Le même jour, dans un gymnase du lycée L’Initiative à Paris, les élèves de seconde assistent à une session de sensibilisation animée par l’association We Are Lovers (WAL). Objectif : parler d’addiction à la pornographie, de ses mécanismes et de ses conséquences.
« Quand la pornographie était un problème dans ma vie, je restais sur mon téléphone dans ma chambre toute la journée », confie l’un des bénévoles, jeune ingénieur, devant une classe attentive. Avec un étudiant de Sciences Po, ils projettent une vidéo explicative : dopamine, accoutumance, recherche de sensations de plus en plus intenses… Les jeunes sont visiblement concernés.
Selon une enquête de l’Arcom menée en 2023, 30% des mineurs consultent des sites pornographiques chaque mois. Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons sont concernés, 21% dès l’âge de 10 ans.
Créée en 2018, l’association WAL rassemble de jeunes adultes qui ont décidé de partager leur expérience avec les adolescents : « On parle aux jeunes comme des grands frères parlent à leurs petits frères ou sœurs », explique Jean-Marc Timon-David, directeur général de WAL.
Isolement, pression sexuelle, perte d’estime de soi
Les témoignages livrés sont directs, personnels, parfois poignants : « Je sentais que la pornographie faisait que je m’isolais. Je n’étais plus motivé à sortir. Dans la vraie vie, je commençais à avoir du mal à parler avec des filles », raconte Côme, 24 ans.
« Parfois notre partenaire regarde de la pornographie et pense qu’il faut reproduire. On se dit, pour être aimée, il faut que je fasse ce qu’on me demande », ajoute Marie-Pia, 29 ans, secrétaire générale de l’association.
Les jeunes intervenants rappellent aussi qu’il est possible de s’en sortir : « En parler à quelqu’un de confiance, ça permet de comprendre qu’on n’est pas tout seul. Cela concerne beaucoup de gens qui en souffrent sans le dire », affirme Mahé, 24 ans.
Le programme Revival proposé en ligne par l’association accompagne celles et ceux qui souhaitent se détacher de cette consommation. Déjà 70.000 personnes ont été sensibilisées depuis la création de WAL.
« C’est tabou, personne n’en parle alors que tout le monde regarde »
Clara Chappaz, présente lors de l’intervention, interroge les élèves : qui a déjà vu du porno ? De nombreuses mains se lèvent. Qui en a vu sans l’avoir cherché ? Presque toute la salle. Sur des papiers anonymes, les élèves écrivent : « Mon petit frère de sept ans regardait une vidéo sur YouTube et est arrivé sur un site porno, il est trauma(tisé) maintenant. »
Un lycéen conclut : « C’est très bien de l’aborder sous l’angle de l’addiction. Il faudrait en parler comme le harcèlement. C’est difficile d’en sortir. C’est tabou, personne n’en parle alors que tout le monde regarde. »
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