Sonia Mejri, première femme française jugée pour génocide à Paris

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Loïs Boumal

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Sonia Mejri, 36 ans, revenante de Syrie, accusée d’avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie, comparaîtra devant la cour d’assises spéciale de Paris. Une étape judiciaire inédite en France pour le crime de génocide.

Une première historique devant la justice française

Sonia Mejri, 36 ans, sera la première Française à être jugée pour le crime de génocide devant la cour d’assises de Paris, après la non-admission de son pourvoi. Revenante de Syrie, elle est accusée d’avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie au printemps 2015. Selon des sources proches du dossier citées par l’AFP, elle devient ainsi la première ressortissante française poursuivie pour génocide sur les Yazidis, minorité ethno-religieuse kurdophone victime d’une campagne d’extermination orchestrée par le groupe État islamique (EI).

La prévenue comparaîtra détenue, à une date encore indéterminée, pour génocide, crimes contre l’humanité et infractions terroristes. Son ex-époux, Abdelnasser Benyoucef, un émir de l’EI visé par un mandat d’arrêt et présumé mort depuis 2016, sera jugé par défaut pour les mêmes chefs. « L’innocence de ma cliente sera prononcée par les juges du siège », a réagi son avocat, Me Nabil Boudi.

Une adolescente yazidie réduite en esclavage

L’affaire remonte au printemps 2015, lorsque les enquêteurs soupçonnent Abdelnasser Benyoucef et Sonia Mejri d’avoir réduit en esclavage une Yazidie âgée de 16 ans. Le juge d’instruction antiterroriste avait relevé que M. Benyoucef « savait qu’en acquérant » cette adolescente « et en la soumettant à un enfermement, à des viols répétés et à des privations graves, il participait à l’attaque dirigée par l’EI contre la communauté yézidie ».

Sonia Mejri, décrite comme « garante de l’enfermement », détenait la clé de l’appartement et portait une arme pour dissuader la jeune fille de fuir. Il lui est reproché d’avoir infligé « des atteintes graves à l’intégrité physique et psychique » à la victime, soumise à des conditions d’existence « de nature à entraîner la destruction » de sa communauté.

La jeune Yazidie, retrouvée par les enquêteurs, a raconté avoir été séquestrée pendant plus d’un mois en Syrie, sans pouvoir boire, manger ou se laver sans l’autorisation de Sonia Mejri. Elle l’accuse de violences physiques et d’avoir été témoin, voire complice, des viols répétés commis par son mari.

Des poursuites consolidées pour génocide

En janvier dernier, la cour d’appel de Paris avait partiellement infirmé le renvoi en procès, estimant qu’il fallait plusieurs victimes pour retenir la qualification de génocide. Mais la Cour de cassation a finalement tranché : on peut être poursuivi pour génocide même en s’en prenant à un seul membre d’un groupe visé par « un plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle ».

Début juillet, la chambre de l’instruction a donc confirmé les poursuites, avant leur validation définitive en cassation le 1er octobre. « Les magistrats de la cour d’appel n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les charges, c’est dire la fragilité et la faiblesse de l’accusation », a souligné Me Boudi.

Mais pour les parties civiles, cette étape judiciaire marque un tournant. « Les accusations ne sont ni faibles ni fragiles : elles sont fondées, factuelles, et juridiquement solides », affirme Me Inès Davau, avocate de l’ONG Free Yezidi Foundation. « Face à l’impunité persistante, il est temps que justice soit rendue. »

La Licra se réjouit également de ce procès. « La Licra se satisfait de la tenue de ce procès », a précisé Me Ilana Soskin, avocate de l’association.

« Un moment attendu depuis des années »

Pour les associations de défense des victimes, cette procédure est un symbole. Les violences sexuelles ont été utilisées par les jihadistes de l’EI comme des armes de guerre destinées à briser la résistance des Yazidis et à instaurer un climat de terreur. Des marchés aux esclaves sexuelles avaient même été instaurés.

Une partie civile, sous couvert d’anonymat, confie : « C’est un moment attendu depuis des années. Ce procès dépasse le cas individuel : il reconnaît enfin que les violences sexuelles subies par les femmes yazidies étaient un outil de génocide. C’est une victoire pour toutes celles dont la voix a été réduite au silence. »

Le procès de Sonia Mejri devrait se tenir en 2026. Pour la première fois, la justice française jugera une de ses ressortissantes pour avoir participé à l’un des crimes les plus graves prévus par le droit international : la destruction d’un peuple.

Lire aussi : Violences sexuelles : le HCE dénonce un système défaillant et une impunité face aux viols

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