Qui est Maria Corina Machado, prix Nobel de la Paix 2025, “libératrice” du Venezuela ?

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Loïs Boumal

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Récompensée pour sa lutte pacifique contre le régime de Nicolas Maduro, la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado incarne depuis plus de vingt ans la résistance démocratique d’un peuple en quête de liberté.

Décrite par le comité Nobel comme « l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine », elle est devenue à 58 ans le visage de l’opposition au Venezuela. Surnommée la “libératrice” par ses partisans, la lauréate du prix Nobel de la Paix 2025 vit désormais dans la clandestinité, contrainte de se cacher depuis la présidentielle contestée de juillet 2024.

Une élection contestée au cœur de la lutte pour la démocratie

“Très juste reconnaissance pour la longue lutte d’une femme et de tout un peuple pour notre liberté et notre démocratie”, a déclaré le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez Urrutia, qu’a soutenu Maria Corina Machado durant la campagne.

Déclarée inéligible, Mme Machado n’a pas pu se présenter, mais elle a porté la candidature d’un homme alors peu connu, réussissant à fédérer derrière lui une opposition morcelée. Lorsque les autorités ont proclamé Nicolas Maduro vainqueur avec 52 % des voix, elle a exhorté ses partisans à recueillir les procès-verbaux de chaque bureau de vote pour “prouver” la victoire de l’opposition.

Le Conseil national électoral, considéré comme inféodé au pouvoir, n’a jamais publié les résultats complets, invoquant un “piratage informatique”. L’opposition affirme que M. Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec plus de 67 % des suffrages — accusation balayée par le pouvoir qui dénonce des “faux”.

Une vie cachée sous la menace du régime

Depuis cette élection, le régime de Nicolas Maduro a renforcé la répression. Une mission d’experts de l’ONU dénonce une intensification des arrestations et violences contre les opposants. Edmundo Gonzalez Urrutia, visé par un mandat d’arrêt, a fui le pays en septembre 2024. Maria Corina Machado, elle, a choisi de rester. “Je suis là où je me sens le plus utile pour la lutte”, confiait-elle à l’AFP, expliquant vivre parfois “des semaines sans contact humain”. Réfugiée dans un lieu secret, elle poursuit son combat en ligne, via des interviews et des débats virtuels. “Si quelque chose m’arrive, la consigne est très claire (…), personne ne négociera la liberté du Venezuela contre ma liberté”, affirmait-elle lors d’un entretien vidéo.

Libérale convaincue, elle plaide pour une économie de marché et la privatisation du géant pétrolier public PDVSA, symbole d’un système miné par la corruption. “Nous allons libérer notre pays et ramener nos enfants à la maison”, lançait-elle en référence aux sept millions de Vénézuéliens ayant quitté le pays, selon l’ONU. Ses trois enfants – Ana Corina, Henrique et Ricardo – vivent à l’étranger, conséquence d’un exil familial imposé depuis des années.

Traquée mais pas silencieuse

Ingénieure de formation, Maria Corina Machado débute son engagement politique en 2002 avec la création de Sumate (“Rejoins-nous”), une organisation citoyenne appelant à un référendum pour révoquer Hugo Chavez. Accusée de trahison pour avoir reçu des fonds américains et menacée de mort, elle envoie alors ses enfants aux États-Unis, jurant qu’elle ira “jusqu’au bout”.

Son ascension se confirme en octobre 2023, lors des primaires de l’opposition : elle y obtient plus de 90 % des voix. Sa popularité explose, et elle devient la libertadora, en hommage à Simon Bolivar, le “libertador” du Venezuela. “Jusqu’au bout” devient son cri de ralliement, symbole de persévérance face à la répression.

En 2024, elle reçoit le prix Sakharov pour la liberté de pensée, qu’elle dédie “à chaque prisonnier politique, demandeur d’asile, exilé et chaque citoyen de notre pays qui se bat pour ce qu’il pense”.

Un an plus tard, le Nobel de la Paix vient couronner une trajectoire hors du commun. Une reconnaissance internationale pour une femme qui, malgré la clandestinité, n’a jamais cessé de se battre pour la démocratie. “Il ne nous reste que très peu de temps avant que les Vénézuéliens ne récupèrent leur souveraineté et leur démocratie. Nous sommes prêts à prendre les rênes du nouveau gouvernement”, a-t-elle récemment écrit sur les réseaux sociaux. Toujours traquée, mais jamais réduite au silence, Maria Corina Machado demeure l’âme d’un Venezuela en quête de liberté – et le visage d’un combat féminin devenu universel.

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