Les femmes et la sécurité : un changement nécessaire en cours

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Mathéa Mierdl

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Longtemps, les femmes ont été exclues des sphères décisionnelles liées à la sécurité. Elles peinent encore à s’imposer dans un domaine marqué par des normes masculines. Pourtant, leur participation active transforme les politiques de défense, de paix et de renseignement.

Les femmes invisibilisées dans les sphères sécuritaires

Aujourd’hui, les femmes continuent de se heurter à des barrières invisibles dans le domaine de la sécurité, notamment  les sujets géopolitiques ou de politiques internationales. La fondation Friedrich-Ebert-Stiftung montre que dans plusieurs pays européens, les femmes répondent beaucoup plus souvent que les hommes « je ne sais pas » lorsqu’on les interroge sur des questions politiques ou sécuritaires. Pourtant, lorsqu’on leur pose des questions sur la sécurité personnelle ou locale, elles répondent avec autant d’assurance que les hommes. Ce phénomène ne reflète pas un manque de connaissances. Il témoigne plutôt d’une pression sociale intériorisée. Les hommes apprennent dès le plus jeune âge à se montrer sûrs d’eux, surtout dans les domaines perçus comme techniques ou complexes. Les femmes, elles, attendent souvent de maîtriser parfaitement un sujet avant de se sentir légitimes à en parler. Ce biais de genre, appelé « biais de désirabilité sociale », contribue à l’invisibilisation des femmes dans les débats sur la sécurité. Une invisibilisation qui appuie la domination par les voix masculines.

Cette dynamique sociale se traduit également dans les chiffres de la représentation politique et institutionnelle. Les femmes occupent moins de 30 % des sièges dans les parlements nationaux. Lorsqu’elles accèdent à des postes ministériels, c’est majoritairement dans des domaines dits « doux » — comme les affaires sociales ou la famille — où elles représentent environ 45 %. En revanche, dans les ministères de la défense, de la sécurité ou de l’intérieur, elles ne sont que 12 %. Les chiffres militaires sont tout aussi révélateurs. Dans l’ensemble de l’OTAN, les femmes ne représentent qu’environ 11 % du personnel militaire. D’ailleurs aucun des pays membres ne dépasse les 20 %. À ce rythme, il faudrait plus de 400 ans pour atteindre la parité dans les forces armées de l’alliance. Cette marginalisation structurelle a des conséquences : elle freine l’ambition des jeunes femmes à s’engager dans ces secteurs et perpétue l’idée que la sécurité reste un domaine d’hommes.

La participation des femmes : un facteur de paix et d’efficacité

Depuis l’adoption en 2000 de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, l’agenda « Femmes, Paix et Sécurité » encourage l’implication active des femmes dans les processus de prévention des conflits et de reconstruction. Les études confirment que la participation des femmes renforce la qualité des négociations. Elles stabilisent également les accords et la cohésion des sociétés. Leur présence dans les efforts de paix contribue à prévenir les dérives radicales, à accélérer les reconstructions post-conflit. Cependant, malgré les engagements internationaux, les progrès restent lents. En 2022, seulement 33 % des accords de paix font référence aux femmes ou à des enjeux de genre. La majorité des financements liés à l’égalité se concentre sur des projets périphériques — comme la construction d’infrastructures sanitaires — sans véritablement intégrer les femmes comme actrices de changement. Or, investir dans leur participation directe — en tant que médiatrices, négociatrices, ou commandantes — reste la clé d’une paix durable.

Malgré les obstacles, des femmes émergent dans les plus hautes sphères de la sécurité. Stella Rimington devient en 1992 la première femme à diriger le MI5 au Royaume-Uni. En 2021, Avril Haines prend la tête de la communauté du renseignement américain sous l’administration Biden, supervisant 18 agences. Ces femmes incarnent un nouveau style de leadership, plus transparent, plus humain, qui remet en question les normes traditionnelles. Dans le domaine du désarmement, Beatrice Fihn dirige la campagne internationale qui mène au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Son approche, centrée sur la sécurité humaine et la résilience des communautés, vaut à son organisation le prix Nobel de la paix en 2017. Par ailleurs, des programmes comme celui d’ONU Femmes dans la région du Sahel forment des femmes à détecter les signes précoces de radicalisation, leur donnant les moyens d’agir en tant que sentinelles locales. Aux États-Unis, les initiatives pour la diversité, l’équité et l’inclusion visent à corriger les déséquilibres historiques, notamment dans la défense et le renseignement. Mais sous la présidence Trump, plusieurs de ces programmes sont supprimés, sous prétexte qu’ils divisent. En réalité, leur démantèlement fragilise les protections des femmes et limite la diversité des profils dans les postes stratégiques.

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