« Muganga – Celui qui soigne », en salles le 24 septembre, est un film français qui retrace le combat du célèbre docteur congolais Denis Mukwege et qui met en lumière les violences sexuelles utilisées comme armes de guerre dans l’est de la République démocratique du Congo.
Braquer les projecteurs sur la guerre oubliée en RDC
Trois décennies de conflits dans l’est de la RDC ont laissé des cicatrices profondes, notamment chez les femmes et les filles victimes de mutilations atroces. Le film Muganga – Celui qui soigne, qui sort mercredi en France, espère braquer les projecteurs sur cette situation.
« La guerre en RDC est une guerre oubliée », déplore le célèbre docteur congolais Denis Mukwege, dont le combat a inspiré cette fiction, lors d’une rencontre avec l’AFP à Paris. Prix Nobel de la paix en 2018, il a consacré sa vie à soigner les femmes victimes de viols et de mutilations sexuelles au Nord et Sud-Kivu. Viols publics, au couteau ou à la machette, vagins détruits par des tirs à l’arme à feu… Femmes et enfants sont suppliciés par les groupes armés qui se battent pour le contrôle des minerais, abondants dans la région.
« Là où les politiques ne peuvent plus avancer, ou ne veulent plus avancer, c’est l’art qui doit prendre le flambeau »
La réalisatrice française Marie-Hélène Roux, qui porte ce projet depuis 10 ans, a porté à l’écran la vie du Dr Mukwege et celle du chirurgien belge Guy-Bernard Cadière (incarné par Vincent Macaigne), qui ont soigné d’innombrables femmes à l’hôpital de Panzi à Bukavu. Le film confronte brutalement le spectateur à l’horreur, tout en racontant une histoire de résilience et de lutte pacifique contre la barbarie.
« Là où les politiques ne peuvent plus avancer, ou ne veulent plus avancer, c’est l’art qui doit prendre le flambeau », plaide l’acteur ivoirien Isaach de Bankolé, qui incarne le Dr Mukwege à l’écran. « En 2023, les Nations Unies ont recensé 123.000 victimes de violences sexuelles », s’émeut Denis Mukwege. Et ces victimes sont de « plus en plus » jeunes: à l’hôpital de Panzi, près d’un tiers des accouchements « concernent des enfants », de jeunes adolescentes qui ont été violées et bien souvent abandonnent leur bébé, déplore-t-il.
Le film dénonce aussi l’aveuglement du monde face à l’atrocité des actes commis. « Chaque semaine, nous avons des images sur les réseaux sociaux, des massacres, mais il n’y a personne qui en parle », s’indigne le docteur. « Le film peut amener les gens à se poser les bonnes questions, qu’ils ne se poseraient jamais devant un film documentaire ou des images réelles où la tendance serait tout simplement de se barricader, de dire: +je ne vois rien, (…) c’est trop dur, c’est choquant, on arrête là+ ».
« Ces femmes… moi, je ne peux que les accompagner »
« On peut exploiter les minéraux sans que le corps des femmes soit un champ de bataille », insiste Isaach de Bankolé, espérant que le film pousse les politiques à agir. Depuis janvier, Denis Mukwege n’est plus retourné à l’hôpital de Panzi, après la prise de l’aéroport de Goma par le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda voisin. Après des décennies face à l’horreur, le médecin, qui est aussi pasteur, dit tenir grâce à la « résilience » des femmes.
« Si ces femmes continuent à avoir de l’espoir, à aimer, après avoir subi tout ce qu’elles subissent, qu’elles ont encore cette capacité de dire +je vais faire des études de médecine, d’anesthésie, d’infirmière pour aider les autres+… Moi, je ne peux que les accompagner », confie-t-il.
« A chaque fois que je vois une femme qui a subi l’indicible être capable de se mettre debout et commencer à soutenir les autres (…), je suis très impressionné », poursuit-il. Avant de conclure: « je ne trouve pas ce niveau d’altruisme chez nous les hommes ».
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