Cinq ans après sa première apparition sur les pavés de Wall Street, la statue de la « Fearless Girl », de Kristen Visbal, symbole controversé de l’égalité des sexes, prend une nouvelle forme numérique. L’artiste souhaite vendre son œuvre en NFT et faire profiter aux acheteurs de répliques. La statue, à l’origine de nombreuses polémiques et procès, est devenue l’un des monuments les plus visités et les plus connus à New York.
Un symbole féministe controversé
Fearless Girl représente une petite fille debout en bronze. Il s’agit d’une œuvre de Kristen Visbal installée dans les rues de WallStreet le 7 mars 2017 en face du Taureau de WallStreet. L’objectif de Kristen Visbal est d’envoyer un message sur l’équité dans les entreprises.
L’œuvre est accueillie de manière mitigée, pour certains, elle représente la force des jeunes filles et l’égalité des sexes, pour d’autre, elle encourage un « féminisme d’entreprise » contraire aux valeurs défendues. Kristen Visbal explique son intention « d’attirer l’attention sur le plafond de verre dans la communauté de Wall Street auquel tant de femmes se sont heurtées… pour obtenir une promotion et un salaire égal ».
On reproche également à Kristen Visbal d’avoir détourné la sculpture du Taureau. La statue a été déplacée devant la bourse de New York en 2018. Posée directement sur les pavés plutôt que sur un socle, afin qu’elle soit de taille égale pour les jeunes visiteurs, la figure déterminée est immédiatement devenue virale. Cependant, le message a été détourné car commandé par l’entreprise PR de SSGA qui souhaitait promouvoir la compagnie et mettre en avant leur respect de l’égalité des sexes, pourtant régulièrement critiquée pour son sexisme.

Visbal rappelle avoir crée la statue pour le public et non pour les sponsors et est déçue de cette réception « Elle représente légalement l’égalité, l’égalité de rémunération, le soutien aux femmes dans les postes de direction, l’autonomisation des femmes, l’éducation des femmes, l’éducation pour la prévention des préjugés et le bien-être général des femmes » explique l’artiste.
Fearless Girl est pourtant devenue un succès mondial et un passage essentiel pour les visiteurs de passage à NewYork.
Le combat juridique
Kristen Visbal a réalisé « Fearless Girl » en un mois environ, puis, quelques semaines après l’installation, elle a signé un accord avec la SSGA qui définissait les droits d’auteur et la marque déposée de l’œuvre. Depuis, l’artiste s’est empêtrée dans une bataille juridique de plusieurs années avec l’agence au sujet de l’utilisation de « Fearless Girl ». Visbal détient le droit d’auteur, ce qui signifie qu’elle peut reproduire l’œuvre, mais SSGA détient les droits sur le nom de la marque.
Lorsque Kristen Visbal a crée des répliques miniatures qu’elle a vendues, SSGA l’a accusé d’avoir violé leur accord, et un long combat juridique entre l’artiste et la compagnie a pris place. Dans les documents judiciaires soumis à la Cour suprême de New York en 2019, la SSGA a allégué qu’elle avait créé des copies « non autorisées ». Certains acheteurs auraient ensuite utilisé l’image et le nom de la statue à des fins commerciales, ce qui avait pour effet « d’affaiblir et de dénaturer le message de Fearless Girl ». L’artiste rappelle son droit à la reproduction et sa non responsabilité quant à l’utilisation que certains en ont fait. En réponse à la plainte de SSGA, elle a décidé elle aussi de poursuivre la compagnie.
Elle souhaite maintenant utiliser son œuvre, mais aussi le nom de celle-ci afin de créer des programmes éducatifs sur l’égalité des sexes. Elle explique « Je voulais qu’elle soit, essentiellement, un outil d’enseignement… Je crois vraiment que le moyen le plus rapide de parvenir à la parité des sexes est de commencer à éduquer nos jeunes ». Mais depuis, SSGA a utilisé le nom de « Fearless Girl » pour illustrer une campagne qui met en avant l’égalité des sexes au sein de leurs entreprises. La compagnie n’a pas voulu se prononcer sur les intentions de Kristen Visbal de programmes éducatifs mais a affirmé que l’artiste ne leur en avait pas parlé et affirme « Nous examinerons toute demande d’utilisation du nom « Fearless Girl » dans le cadre de programmes éducatifs comme nous le ferions pour toute autre demande d’utilisation de la marque ».
Se réapproprier l’œuvre par les NFT
L’artiste souhaite désormais vendre son œuvre sous une forme numérique, celle des NFT. Les NFT sont des « jetons numériques » auxquels sont rattachés une identité numérique, estimés à une certaine valeur. Kristen Visbal explique avoir souhaité vendre son œuvre sous ce format afin de la rendre plus universelle « J’ai eu cette ampoule qui s’est allumée » a-t-elle déclaré dans une interview vidéo. « Je me suis dit : « Oh, ‘Fearless Girl’ est un symbole mondial. Et puis j’ai pensé, ‘Oh, ‘Fearless Girl’ est un symbole universel ». Les acheteurs recevront en retour des versions miniatures de la statue, et l’un d’entre eux, aura la chance de recevoir une version à taille réelle.
En ce qui concerne SSGA, Kristen Visbal explique qu’elle est autorisée à utiliser le nom de l’œuvre dans sa marque collection de NFT « Superstar Drop : Free Fearless Girl » et espère que cette vente l’aidera à récupérer une partie des frais de justice investis dans le procès conte la compagnie. Ai-je la possibilité de tirer un grand profit de « Fearless Girl » ? Oui, je le peux », a déclaré Mme Visbal. « Mais ai-je mis chaque centime que j’ai gagné dans les frais juridiques ? Oui, je l’ai fait. ».
Elle souhaite aussi avec cette vente restituer à l’œuvre sa véritable intention, en effet, pour beaucoup, la statue ne représente plus que le combat juridique entre Kristen Visbal et SSGA. Ainsi, elle souhaite également couler une nouvelle version de la statue qui pourrait être installée de manière permanente dans la ville de NewYork et mettre au pied de l’œuvre une plaque expliquant les idéaux qu’elle avait en tête lors de la création de « Fearless Girl ». « C’est mon œuvre, je l’ai créée avec intégrité, et je suis intègre », a déclaré Mme Visbal. « Et je voudrais qu’elle soit utilisée correctement ».
Clara Delangue, d’après un article traduit et adapté de CNN