Rémunérations, négociations : Comment faire face aux inégalités salariales ?

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Sandrine Fouillé, directrice RSE chez Aminis Consulting et Insaff El Hassini experte en rémunération et égalité salariale, ont répondu aux questions de Cynthia Illouz, dans une interview réalisée avec Brut.Live.

En France, en 2020, les femmes percevaient un salaire inférieur de 15,8 % à celui des hommes. Cet écart, en légère diminution par rapport à 2019, reste plus élevé que celui constaté au début des années 2010. 

Les inégalités au travail entre les femmes et les hommes prennent de multiples formes. Les différences se font ressentir dès la signature du premier contrat. Les femmes sont effectivement plus souvent embauchées à temps partiel que les hommes. “Il y a toujours des écarts à l’embauche mais la loi impose une rémunération égale à compétences égales. Il y a donc un cadre législatif qui impose aux entreprises de supprimer ces écarts“, rassure Sandrine Fouillé, directrice RSE. “Pour aider à les réduire, l’index Pénicaud permet aux entreprises de mesurer les différences entre les hommes et les femmes du point de vue de la rémunération, des retours de congés maternité, etc…“, ajoute t-elle.

-Mis en place depuis 2019 par la loi Avenir Professionnel, l’index Pénicaud mesure les inégalités salariales entre les hommes et les femmes au sein des entreprises d’au moins 50 salariés. Il permet également de scorer les entreprises et de les comparer entre elles, une technique pour les inciter à s’améliorer.-

Mais, selon l’Observatoire des inégalités, un tel index reste insuffisant : “dans le secteur privé, les femmes gagnent, en moyenne, 28,5 % de moins que les hommes. Elles travaillent aussi plus souvent à temps partiel et dans des métiers moins bien payés que les hommes. À temps de travail et poste équivalents, l’écart de salaire est de 5,3 %“.

Négocier son premier salaire

Lors d’une première embauche, obtenir un salaire correspondant à ses compétences n’est pas toujours chose facile. Encore une fois, ce sont les femmes qui sont les plus pénalisées. En France, 66 % des femmes ne négocient pas leur rémunération à la première embauche, par peur d’un rapport de force ou d’un conflit, contre 41 % d’hommes. Cependant, il faut se rappeler qu’un salaire doit être égal aux compétences apportées et non au genre de la personne embauchée. À compétence élevée, salaire élevé. Insaff El Hassini, experte en rémunération et égalité salariale, rappelle aux femmes qu’elles doivent connaitre la valeur de leurs compétences, et la faire valoir.

Cependant, si les femmes peinent à négocier, ce n’est pas parce qu’elles sont moins expérimentées que leurs collègues masculins, mais parce qu’elles sont sans cesse renvoyées à leur genre lors des négociations. “Les femmes ont le syndrome de l’imposteur et ont plus de mal à renégocier un salaire et à localiser leur juste valeur” déplore Insaff El Hassini. “Quand elles le font, elles ne sont pas écoutées par leurs employeurs. Ils vont essayer de jouer le jeu de la négociation et tirer le salaire vers le bas.”

Renégocier son salaire

Un grand nombre de DRH rapportent que les hommes se présentent chaque semaine pour mettre en avant leurs projets et négocier leur salaire, seules deux ou trois femmes osent avoir cette conversation chaque année[…] cela laisse croire aux recruteurs que les carrières des femmes sont plus faciles à gérer et leurs octroyer moins de bénéfices.“, constate Sandrine Fouillé. En 2016, RegionsJob révélait à travers une enquête portée sur 2 000 salariés que plus de 67% des femmes avaient déclaré ne pas avoir tenté de négocier leur salaire avant leur prise de poste, contre 51% d’hommes dans ce cas. Une majorité de femmes aurait tendance à attendre une proposition ou accepter une proposition salariale trop basse. Les hommes, eux, seraient enclins à « stopper le processus de recrutement » si le salaire ne convient pas.

Selon Insaff El Hassini, quelques questions simples permettent pourtant d’évaluer sa légitimité à prétendre à une augmentation : “Quelles richesses puis-je apporter à l’entreprise ? Combien lui ai-je fait gagner ? Quelle est ma contribution à l’équipe ? À l’entreprise ? Que fait-on dans l’entreprise ? Mes fonctions sont elles alignées avec le contenu initial de mon poste ou les dépassent-elles ?”. Si ces questions obtiennent une réponse favorable, le recours à un rééquilibrage de sa rémunération semble parfaitement légitime, le contenu et le périmètre du poste s’étant élargi.

L’augmentation salariale doit également être en accord avec le niveau de l’inflation. “Chaque année, les prix augmentent, et concrètement si votre salaire n’augmente pas, vous perdez de l’argent. En fonction des véritables augmentations, la fourchette basse est de 5%. La fourchette haute est de 20% à 30% pour les gros changements de poste“, averti la spécialiste.

En France, l’augmentation et la renégociation du salaire reste un tabou pour les femmes qui ne sont pas prises au sérieux dans leurs revendications. L’argent est effectivement le deuxième plus grand sujet tabou en France, après la sexualité. “La première chose à faire, c’est de lever le tabou sur l’argent au travail” suggère la fondatrice du podcast “Ma Juste Valeur”. Pour Sandrine Fouillé, un véritable travail d’ouverture d’esprit doit être fourni en particulier par les managers et par les collaborateurs. Les femmes ne peuvent pas se battre seules.

Une étude menée par Opinion Way et Indeed souligne des traitements de faveur pour les hommes qui vont au-delà des inégalités salariales. Pour plus de la majorité des salariés, les hommes sont également favorisés dans leur accès à des postes à responsabilité et dans l’évolution de leurs carrières.

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