L’économie du monde de la nuit: un business reposant sur les femmes

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Dans l’oubrage, intitulé “Very Important People. Argent, gloire et beauté : enquête au cœur de la jet-set” aux Éditions La Découverte, la sociologue américaine Ashley Mears jette une lumière crue sur les inégalités de genre exacerbées au sein de la jet-set internationale. 

Le fonctionnement de la Jet-Set analysé

Cette exploration dévoile un système économique qui, bien que façonné par et pour les hommes, dépend essentiellement de la beauté des femmes. Ashley Mears, professeure de sociologie à l’Université de Boston, est une spécialiste du genre et des femmes qui a réussi à pénétrer ce monde fermé grâce à sa propre allure de mannequin qu’elle avait lorsqu’elle était adolescente et étudiante à New York. 

Derrière la façade d’apparente spontanéité de ces soirées de la jet-set se cache un gigantesque travail orchestré par les nightclubs et les promoteurs de soirées, rémunérés par ces établissements pour attirer des hommes fortunés et des femmes au physique avantageux. Selon Ashley Mears, c’est une économie qui est gérée par des hommes pour des hommes, mais qui repose entièrement sur le charme des femmes et leur beauté. Les femmes qui font partie de ce monde ne bénéficient généralement pas financièrement de ce modèle économique. Elles refusent d’être rémunérées pour éviter d’être assimilées à des prostituées et se contentent des repas gratuits et du privilège d’être présentes lors de ces soirées exclusives. 

De New York à Miami, de Saint-Tropez à Saint-Barth, et même dans des villas louées à 45 000 euros le weekend, les mannequins jouent un rôle clé en attirant les “working rich” – des figures de la finance, de la technologie ou de l’immobilier, presque exclusivement masculines, qui dépensent des sommes astronomiques en alcool. Ce modèle économique est symbolisé par la formule “models and bottles” (des mannequins et des bouteilles). 

Les Coulisses de l’économie du “Models and Bottles” 

Des bouteilles de Mathusalem à 4 000 euros, des séries de bouteilles illuminées portées à travers la foule : ces dépenses extravagantes servent à établir la suprématie sociale de celui qui paie l’addition. Selon la sociologue, cela rappelle les “potlatchs” pratiqués par certaines tribus amérindiennes, où les chefs rivalisent pour montrer qui peut dépenser le plus. Cependant, les femmes qui participent à ces soirées doivent répondre à des critères stricts : elles sont jeunes, généralement blanches, et correspondent à une beauté très spécifique valorisée par le monde de la mode. De plus, elles doivent être très minces et très grandes, avec une taille minimale de 1,80 mètre, et il leur est conseillé de porter des talons aiguilles de 10 centimètres pour dominer la foule. 

Les night-clubs les placent habilement près des tables des clients les plus riches. Les femmes qui ne correspondent pas à ces critères sont souvent refusées à l’entrée par les videurs en fonction de leur apparence, même si elles ont des carrières florissantes, par exemple dans le domaine financier. Sur les photos postées sur Instagram, seules les femmes répondant aux critères de beauté spécifiques sont autorisées à figurer. Quant aux promoteurs de soirées, ils peuvent gagner jusqu’à 80 dollars par mannequin qu’ils amènent, et jusqu’à 1 000 dollars par soirée. Certains d’entre eux gagnent jusqu’à 200 000 dollars par an en entretenant des relations avec ces jeunes femmes, en les conduisant à des castings et à des soirées, tout en faisant fructifier ce que la sociologue qualifie de “capital-filles”. 

En fin de compte, les “working rich” préfèreront partager leur vie avec des femmes qui ont un profil similaire au leur, généralement très éduquées, et considèrent souvent les mannequins comme peu sérieuses ou trop portées sur la fête. Dans ce monde de luxe, la personnalité des femmes semble ne pas avoir d’importance, car la musique assourdissante étouffe toute conversation.

Ashley Mears a réussi à dévoiler un pan méconnu de la jet-set internationale, mettant en lumière un système économique complexe et intriguant, tout en exposant les inégalités de genre profondément enracinées qui persistent au sein de cette élite sociale.

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