Anh Vu est Directrice du Développement chez Accor au Vietnam, l’un des marchés les plus dynamiques pour le groupe hôtelier, leader en Europe et sixième à l’échelle mondiale. Passionnée d’architecture et de voyages, elle partage avec l’audience de The Women’s Voices sa vision du développement hôtelier et son engagement à façonner l’avenir du tourisme et du paysage urbain. Rencontre.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?
Avec près de 20 ans d’expérience dans la vente, le développement et l’hôtellerie, je suis aujourd’hui Directrice du Développement chez Accor au Vietnam, où je me concentre sur l’expansion de notre réseau de marques de luxe. Ce que j’aime le plus dans mon rôle, c’est qu’il me permet de combiner planification stratégique et développement de marché avec mes passions personnelles : l’architecture et le voyage. Ces deux intérêts ont vraiment façonné ma manière de voir le potentiel de chaque projet — non seulement d’un point de vue commercial, mais aussi en termes de design et d’impact sur la destination.
J’ai commencé ma carrière en 2005 dans la vente d’équipements pour les immeubles de grande hauteur. Cela m’a donné une base solide en négociation, en coordination et en gestion de relations complexes avec différents partenaires. En 2009, j’ai choisi de poursuivre un MBA à la Solvay Brussels School, un véritable tournant. J’ai alors intégré SPN Corp. dans le développement immobilier, en travaillant sur un mélange de projets commerciaux — bureaux, résidences avec services et hôtels. C’est là que j’ai dirigé mon premier projet hôtelier : un MGallery en partenariat avec Accor.
Voir cet établissement devenir aujourd’hui l’un des hôtels phares d’Accor en ville a été très gratifiant — et désormais, depuis début 2022, faire partie de l’équipe Accor me rend fière de contribuer à la croissance de notre portefeuille au Vietnam. Je travaille étroitement avec les investisseurs, les propriétaires et nos équipes internes pour donner vie à des hôtels haut de gamme uniques — des projets qui ne sont pas seulement solides commercialement, mais aussi pensés sur le plan culturel et architectural.
En dehors du travail, je suis une grande voyageuse et une passionnée de design, convaincue que l’architecture raconte une histoire. C’est une perspective que j’apporte dans chaque projet de développement : il ne s’agit pas seulement de construire des hôtels, mais de créer des lieux que les gens ont envie de découvrir et de garder en mémoire.
Quelle est la particularité de votre domaine d’activité ?
Ce qui rend mon domaine — le développement hôtelier, et plus particulièrement dans le segment du luxe — vraiment unique, c’est qu’il se situe à la croisée de la stratégie business, du design et de la narration culturelle. Ce n’est pas seulement construire des hôtels ; c’est créer des destinations qui reflètent l’identité d’un lieu tout en offrant une expérience exceptionnelle aux clients. Chaque projet demande de trouver le bon équilibre entre viabilité commerciale, cohérence avec la marque et pertinence locale.
Dans le segment du luxe, tout cela devient encore plus subtil. Les attentes sont plus élevées, et la réussite ne dépend pas uniquement de l’emplacement ou du design, mais de la capacité de l’hôtel à capturer l’esprit d’un lieu et à offrir quelque chose de distinctif et mémorable. De la sélection du site à la collaboration avec les investisseurs, les architectes, les designers d’intérieur et les opérateurs, il y a un besoin constant de coopération transversale et d’une vision à long terme.
Un autre aspect unique, c’est que dans ce domaine, la passion personnelle compte énormément. Mon amour pour l’architecture, les voyages et la découverte de nouvelles cultures nourrit directement mon travail. Chaque projet est différent, chaque destination a sa propre histoire, et je trouve incroyablement épanouissant de contribuer à la faire vivre à travers un développement réfléchi.
Enfin, surtout dans des marchés émergents comme le Vietnam, nous ne faisons pas que développer des hôtels — nous façonnons aussi l’avenir du tourisme et des paysages urbains. Cette dimension donne à ce métier une énergie et une portée particulièrement motivantes.
Quel conseil donneriez à une jeune femme qui arrive en entreprise ?
Il est normal de se sentir perdue. J’ai passé des années à avoir l’impression de ne pas avancer. Mon premier choix d’études ? La comptabilité — parce que mon père pensait que c’était un “métier sûr pour une fille.” Mais dès la fin de la première année, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. Je l’ai appelé pour lui dire : “Je change pour le commerce international. C’est ce qui me correspond.” Ce n’était pas le seul virage que j’ai pris, mais chacun m’a rapprochée de la personne que je voulais devenir. Tu n’as pas besoin d’avoir toutes les réponses. L’important, c’est de continuer à avancer.
Très tôt dans ma carrière, j’ai appris la valeur de dire oui avant de se sentir prête. Quand mon président m’a proposé de rejoindre l’équipe de développement d’un resort de luxe, je n’avais aucune expérience dans ce domaine. Mais j’ai accepté. J’ai appris à lire des plans techniques, compris comment un pont aérien pouvait relier deux tours, posé des milliers de questions. Et j’ai plus grandi pendant ces années-là que pendant n’importe quelle autre période de ma carrière. On ne grandit pas en attendant — on grandit en faisant.
J’ai aussi compris qu’il fallait rester humble et bienveillante, tout en restant affûtée. Peu importe jusqu’où on va, il ne faut jamais arrêter d’écouter, d’apprendre et de bien traiter les autres. J’ai travaillé avec des personnes plus brillantes, plus rapides, plus expérimentées — et oui, parfois j’ai ressenti de la jalousie. Cela m’arrive encore. Mais au lieu de m’y enfermer, j’en fais une source de motivation. J’étudie ce qui les rend excellents, et je m’efforce de m’améliorer. Laisse ta jalousie t’apprendre, pas te diminuer.
Au fil du temps, j’ai découvert l’importance de chercher le progrès plutôt que la perfection. Mon parcours n’a pas été linéaire. Il a été plein de détours, d’erreurs, de redémarrages. Mais chacun m’a appris quelque chose — et m’a rapprochée de la version de moi-même dont je suis fière aujourd’hui. Sois fière de la personne que tu deviens, pas seulement du titre que tu poursuis.
Enfin, j’ai appris à tirer des enseignements de tout et de tout le monde. La lecture de Good to Great a changé ma façon de penser. Ce livre m’a montré ce qu’est vraiment le leadership — et m’a poussée à sortir de ma zone de confort au moment où j’en avais le plus besoin. Aujourd’hui, avec autant de connaissances accessibles, tu as tous les outils pour grandir — plus vite et plus intelligemment. Reste curieuse. Continue d’apprendre. C’est ton véritable atout.
Sois audacieuse. Sois bienveillante. Continue d’avancer — même quand c’est difficile. Un jour, tu te retourneras et tu verras : la version de toi que tu as toujours voulu devenir ? Tu étais en train de la construire tout ce temps.
Qu’est-ce qui vous motive le plus et pourquoi ?
Ce qui me pousse, c’est la curiosité. J’ai toujours envie d’apprendre quelque chose de nouveau, d’explorer de nouveaux défis et de trouver des façons d’améliorer ce qui existe déjà. Ce désir constant de progresser me fait avancer chaque jour.
Je ne cherche pas à être parfaite — je cherche à être meilleure qu’hier. Pour moi, la véritable croissance vient des petites améliorations régulières, dans la durée. La constance est essentielle. Le succès ne tient pas aux grandes victoires, mais à la capacité d’être présente, de travailler dur et de rester concentrée, même quand c’est difficile. Cet état d’esprit m’aide à avancer et à devenir la leader que je veux être.
Quels sont le livre, le film et la série que vous recommanderiez en ce moment ?
Côté film, je recommanderais 30 ans sinon rien (13 Going on 30 en VO). Cela peut sembler n’être qu’une comédie romantique légère, mais il y a un vrai message derrière son charme et son humour. C’est une histoire sur le fait de grandir, de faire des choix, et de comprendre ce qui compte vraiment — pas le succès, pas le statut, mais le fait de rester fidèle à soi-même.
Je pense que chaque jeune femme devrait le voir au moins une fois. C’est un excellent rappel : il n’y a pas besoin de se précipiter pour devenir quelqu’un d’autre. Être “30 ans, épanouie et radieuse”, ce n’est pas avoir tout ce qu’on croit devoir avoir — c’est savoir qui l’on est et l’assumer.